Arts et cultures autochtones

Nous avons préparé des fiches contextuelles qui renferment des renseignements et des ressources sur les communautés et les pratiques artistiques émergentes, minorisées et moins bien comprises. Notre intention est d’en favoriser la compréhension et de veiller à ce que les comités d’évaluation (internes ou formés de pairs) soient bien outillés pour formuler des recommandations éclairées.

Chaque fiche contextuelle est un document évolutif mis à jour de temps à autre afin qu’il progresse au rythme des discussions sur le sujet abordé.

Contexte

Le plan stratégique 2016-2021 du Conseil des arts du Canada stipule ce qui suit :

  • Le Conseil estime qu’une approche qui respecte et valorise l’expression artistique, les protocoles culturels, les droits et traditions et la vision du monde des Premières Nations, des Inuits et des Métis stimulera le travail des artistes, enrichira les pratiques artistiques et dynamisera les collec-tivités des Premières Nations, ainsi que les collectivités inuites et métisses. C’est un changement fondamental dans l’approche de financement, de soutien et de reconnaissance des arts et des cultures autochtones de notre pays. On y reconnaît ainsi les droits culturels des peuples autochtones et respecte le concept du droit à l’autodétermination des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Principales caractéristiques des arts et de la culture autochtones

Introduction

Il importe de noter que les pratiques artistiques et les cultures des Autochtones ne sont, bien sûr, pas toutes les mêmes. Il existe des distinctions nettes entre les peuples autochtones vivant sur le territoire connu aujourd’hui sous le nom de Canada. Mais comme l’énonce la boursière micmaque Marie Battiste : « ils ont en commun une vision du monde qui est influencée par la croyance commune selon laquelle leur environnement est façonné et créé par des forces vivantes. »

Les arts et la culture autochtones sont différents des pratiques artistiques de la culture dominante que nous avons fini par considérer comme étant le cadre standard et même universel où l’on tente alors « d’inclure » le travail d’autres cultures et races. En même temps, les arts autochtones dans toutes leurs manifestations dynamiques ne sont pas complètement séparés du reste du monde artistique.

Trois cadres conceptuels et contextuels peuvent aider à bien comprendre les arts et la culture autochtones : les visions différentes du monde, l’histoire coloniale et la souveraineté culturelle.

Visions différentes du monde

L’ethnologue et aîné cri Willie Ermine décrit les visions autochtones du monde comme étant « fondées sur une quête de sens à partir d’un cheminement métaphysique, implicite et subjectif basé sur le principe des connaissances qui encouragent la transformation personnelle et sociale; une vision de changement social qui mène à l’harmonie avec l’environnement plutôt qu’à son contrôle, et de l’attribution d’une dimension spirituelle à l’environnement ». Ce point de vue tranche avec la vision occidentale du monde qui est axée sur la quête scientifique, explicitement physique et objective de connaissances. Les visions autochtones du monde reposent sur la perception que les choses, les personnes et les cosmologies sont interconnectées.

Les visions autochtones du monde considèrent la « terre », qui englobe tous les êtres vivants et les plantes, comme le point central de la tradition, de l’identité et des modes de vie contemporains, y compris la pratique artistique. Cette idée peut s’exprimer par le schéma suivant :

  • terre ~ peuple ~ langue ~ culture ~ art

Il s’ensuit que l’art découlant de cette compréhension reposera sur des références distinctives qui ne se trouvent pas dans les formes artistiques dominantes et eurocentriques. Dans les pratiques artistiques autochtones, les références à la terre sont parfois directes, subtiles ou indirectes.

Histoire coloniale

De plus en plus, les peuples non autochtones découvrent l’histoire coloniale du Canada. Cette histoire compte de nombreux exemples d’injustice envers les peuples autochtones, comme le système des réserves, la Loi sur les Indiens, les pensionnats autochtones et la rafle des années 1960. Aujourd’hui, nous en constatons les résultats tragiques au chapitre de la santé, de l’éducation et du système carcéral, notamment. Pourquoi en serait-il autrement pour les arts?

Au cours des derniers siècles, l’interprétation des arts au Canada s’est surtout faite du point de vue occidental, qui privilégie les formes artistiques originaires d’Europe. Jusqu’à tout récemment, les artsautochtones étaient décrits tour à tour comme étant ethniques, artisanaux, folkloriques ou même dégénérés. Malgré des décennies d’interdiction à l’égard des pratiques culturelles (p. ex., le potlatch) ou des langues autochtones, l’art autochtone se renouvelle et se revitalise depuis plus de 35 ans, environ. Ce processus fait partie de ce que l’universitaire anishinaabe Gerald Vizoner appelle la survivance, « … un sens actif de la présence, de la poursuite des histoires autochtones, et non une simple réaction… Les histoires de survivance autochtones sont des rejets de la domination, de la tragédie et de l’état de victime ».

Souveraineté culturelle

Au cours de cette période de 35 ans, les artistes autochtones ont voulu avoir « accès » aux mêmes systèmes de soutien que les artistes non autochtones sur le plan du financement, des infrastructures, des organismes de services aux arts et des salles, notamment. Leurs efforts n’ont été que partiellement fructueux. Aujourd’hui, dans la foulée de la Commission de vérité et réconciliation, il semble que le système artistique du Canada tente enfin de collaborer avec les pratiques artistiques autochtones de manière significative. Nous commençons à tourner la page sur les méthodologies « d’accès » et « d’inclusion » des deux dernières décennies.

Comme l’explique le Collectif des commissaires autochtones, les artistes autochtones s’occupent maintenant « d’activer la souveraineté créatrice autochtone ». L’approche fondée sur l’autodétermination du Conseil des arts du Canada découle de cette même affirmation.

Les artistes autochtones définissent eux-mêmes ce qu’est l’art; la manière dont il est produit; les protocoles qui entourent la création artistique et sa réception; ce qui est sacré ou non; ce que sont les discours artistiques décrivant l’art autochtone; et une foule d’autres enjeux. Ils s’efforcent de le faire dans un cadre autochtone, avec autodétermination et souveraineté.

Cette souveraineté créatrice est un aspect essentiel, mais peu mentionné lors des débats sur l’appropriation culturelle qui surviennent dans la politique du Canada en matière d’art. Ces controverses, axées sur la liberté et la censure artistiques, prennent rarement en compte la question de la souveraineté culturelle des Autochtones. Les artistes autochtones, dont certains ont été littéralement réduits au silence par des stratégies néocoloniales, revendiquent le respect, l’autodétermination et l’application des protocoles. Ils savent que leurs traditions artistiques sont solides, mais qu’un génocide culturel presque total s’est produit un peu partout sur ce territoire. Malgré une forte renaissance artistique, une fragilité sous-jacente demeure, pas tellement dans les traditions elles-mêmes, mais plutôt dans les réseaux de soutien qui permettent de présenter, de promouvoir, d’être témoin et de défendre.

Différences esthétiques

L’un des éléments évident, mais souvent oublié des arts autochtones est le fait que le territoire connu sous le nom de Canada est le pays « d’origine ». Si les gens cessent de danser le kathak au Canada, il continuera d’être bien présent en Inde. Si l’opéra disparaît au Canada, les pays d’Europe et d’Asie en poursuivront la tradition. Mais si les peuples autochtones mettent fin aux pow-wow ici, il n’y en aura plus du tout sur la planète.

C’est maintenant presque un cliché de dire que dans les cultures autochtones, il n’existe aucun mot pour désigner l’art. Bien que ce soit souvent vrai, il serait plus juste de préciser qu’il n’existe pas de mot unique, mais bien plusieurs pour exprimer ce qu’est l’art. Ces mots, qui font partie de différentes langues ancestrales, ne traduisent pas sans heurts la notion d’art d’un point de vue européen. Souvent, les mots autochtones représentent plutôt le processus, le mouvement et l’expérience. Par conséquent, les arts autochtones occupent tout le spectre des pratiques, sacrées et cérémoniales, traditionnelles et contemporaines.

Même cette dichotomie entre le traditionnel et le contemporain se traduit mal en mots qui pourraient s’appliquer à l’histoire artistique européenne. Les arts autochtones sont créés dans un continuum. Les artistes « traditionnels » utilisent des motifs, des approches et des contextes empruntés à des artistes qui travaillent dans des styles qui ont émergé récemment. Les artistes « contemporains » emploient des matériaux ou des techniques plusieurs fois centenaires et les mettent dans un cadre contemporain issu de la culture dominante, leur donnant ainsi un sens à la fois ancien et nouveau. Une bonne partie du spectre est un hybride des influences artistiques autochtones et européennes. Il est flou, parfois mixte et renvoie presque toujours aux pratiques traditionnelles, que ce soit sous forme de lien avec les cosmologies autochtones, d’hommage respectueux et de déconstruction satirique des clichés.

Production de l’art autochtone

Les artistes autochtones réfléchissent aux principes inhérents lorsqu’il s’agit d’aborder leur pratique artistique. Ils sont vraisemblablement, quoique pas toujours, influencés par le savoir traditionnel. Ils seront généralement au courant de certains protocoles et feront de leur mieux pour les respecter. Une façon de percevoir les protocoles c’est de les considérer comme des façons de faire respectueuses. Parler aux aînés et aux passeurs culturels; demander à comprendre des images, des danses, des histoires ou des rituels et demander la permission d’utiliser certains d’entre eux; apprendre la manière appropriée de représenter une cérémonie (ou ne pas le faire du tout); et apprendre à parler les langues autochtones n’en sont que quelques exemples.

Il est essentiel de comprendre comment les artistes autochtones sont « formés ». Certains d’entre eux vont dans des écoles professionnelles, d’influence autochtone ou européenne, et sont diplômés. D’autres sont encadrés par des aînés et des enseignants. Ils apprennent alors par la tradition orale, le récit, l’écoute et la pratique. Certains sont formés selon les deux traditions, à cheval sur deux mondes. Parfois, il y a des oeuvres écrites, parfois non.

Les artistes autochtones acquièrent des compétences (dessin, art dramatique, danse, direction, réalisation cinématographique, etc.) et suivent aussi une formation « culturelle ». Ils placent ainsi leur travail dans divers contextes historiques autochtones, et apprennent d’où proviennent les images, les mouvements, les chants, les lignes de contour et les poèmes.

Évidemment, ils ont également dû surmonter des barrières systémiques, sans financement ou infrastructures, ou presque. Il est souvent souligné que les artistes autochtones ont créé leurs oeuvres, mais ils ont dû établir en même temps l’infrastructure artistique, les programmes de formation ou de mentorat, les réseaux, les salles, les discours critiques et ainsi de suite. De plus, l’art autochtone n’a pas vraiment été considéré comme de l’art « véritable » et le système artistique l’a donc ignoré, et parfois ouvertement rejeté. Les choses changent enfin, quoique très lentement.

Réception de l’art autochtone

Il existe des principes inhérents à la manière dont l’art autochtone est reçu, en particulier quand les artistes travaillent au sein de leur communauté. Il est couramment souligné que les peuples autochtones réagissent très différemment du grand public face à une même oeuvre.

Les publics autochtones n’ont jamais eu à payer pour être témoins d’événements artistiques. Les notions comme « remplir les salles » ou « parts de marché accrues » n’ont donc aucun sens à leurs yeux. Les activités artistiques et culturelles se déroulent à l’occasion de rassemblements dans le cadre de fêtes communautaires, de célébrations honorifiques ou de nomination et même de cérémonies sacrées fermées. Bien des artistes autochtones perçoivent les galeries aux murs blancs ou les théâtres à scène encadrée autrement que les Européens, pour lesquels ces genres de salles sont normaux.

Jeunes artistes autochtones

Certains jeunes artistes autochtones travaillent de manière traditionnelle, en apprenant la culture et en créant de l’art au sein d’une tribu, d’un clan ou même de leur famille. Mais peu importe leur médium, bien d’autres, en particulier les artistes autochtones en milieu urbain, possèdent au moins deux cultures. Ils défient et brisent les clichés superficiels d’appartenance autochtone.

Ils empruntent et recontextualisent souvent des formes culturelles qui ne sont pas d’origine autochtone. La culture hip-hop où la jeunesse autochtone utilise le « Red Rap » comme forme de protestation esthétique est un exemple courant. D’autres artistes emploient de nouveaux médias et créent des environnements musicaux ou à l’écran qui sont à la fois d’influence autochtone et populaire. D’autres encore utilisent les techniques, les plateformes et les langages numériques pour créer de l’art et imaginer l’avenir des Autochtones.

Lectures supplémentaires

Afin d’en savoir plus sur le contexte artistique et culturel propre aux arts et à la culture autochtones ainsi qu’aux artistes et aux organismes axés sur leurs pratiques, veuillez consulter les sources qui sui-vent :

Liens internes

Autres renseignements sur le travail du Conseil des arts du Canada dans le domaine des arts et de la culture autochtones :