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Musique
Prix Jules‑Léger de la nouvelle musique de chambre : Pierre Alexandre Tremblay
The Jules Léger Prize for New Chamber Music ($7,500) is a competition for Canadian composers that is designed to encourage the creation of new chamber music and to foster its performance by Canadian chamber groups.
Né à Montréal et établi au Royaume-Uni, Pierre Alexandre Tremblay est compositeur et musicien. Il joue de la guitare basse et utilise des appareils de traitement sonore. Il se produit en solo et au sein des formations ars circa musicæ (Paris), de type inconnu (Montréal) et Splice (Londres). Il est membre du collectif Loop, de Londres, et est publié par Empreintes DIGITALes. Pierre Alexandre enseigne la composition et l’improvisation à la University of Huddersfield (Angleterre, R.-U.) où il est également directeur des Electronic Music Studios.
Il a travaillé à des projets de musique populaire à titre de producteur et de bassiste, et s’intéresse à la musique vidéo et au vidéocodage. Il aime passer du temps avec sa famille, boire du thé oolong, compulser les dictionnaires, lire de la prose et faire de longues promenades.
Ayant toujours été à l’avant-garde des nouvelles technologies et de l’improvisation, quelle est selon vous la tendance la plus emballante pour l’avenir de la musique? Pourquoi?
L’hybridation! Nous visons à une époque où la polyphonie des canons et les expériences musicales sont utilisées à leur plein potentiel par une génération qui est à l’aise avec les collections musicales riches, variées, personnalisées, à accès aléatoire. Cela donne lieu à une véritable cohabitation non hiérarchisée de styles musicaux qui se mélangent inévitablement et donnent lieu à de nouvelles propositions très intéressantes, tant en direct qu’en studio. On est loin de la pureté fantasmée (et de la hiérarchisation) du modernisme ou des juxtapositions (réactionnaires) du post-modernisme. Il s’agit véritablement d’une riche pollinisation croisée qui se produit grâce au dialogue fantastique de nombreux canons et de nombreux rôles, souvent interprétés par la même personne : compositeurs, improvisateurs, interprètes, conservateur, producteur, public, technicien... bruit, électro, impro, « groove », épique, minimal, expressioniste, et toutes les autres formes d’art également!
Théâtre
Prix John‑Hirsch : Ravi Chander Jain et Vicky Côté
Le Prix John-Hirsch reconnaît les jeunes metteurs en scène ou ceux qui poursuivent depuis peu leur développement artistique dans cette profession et dont le travail préfigure des accomplissements majeurs sur le plan de l’excellence et de la vision artistique. Deux prix de 6 000 $ sont attribués tous les deux ans, à chacune des communautés théâtrales anglophone et francophone, respectivement.
Ravi Jain, metteur en scène de Toronto, travaille autant dans le cadre de productions indépendantes que dans de grands théâtres commerciaux. Ses œuvres réussissent à combler le fossé entre le commercial et l’avant-garde. Une de ses œuvres les plus acclamées est A Brimful of Asha, qu’il a créée avec sa mère et dont la première a eu lieu au Tarragon Theatre en 2012. Cette production a été présentée au Canada et à l’étranger, notamment au réputé Tricycle Theatre de Londres, en Angleterre.
Sa production Accidental Death of an Anarchist, présentée au Soulpepper Theatre Company en 2015, lui a valu le Prix Dora de la meilleure production. En tant que fondateur et directeur artistique du Why Not Theatre, Ravi s’est imposé comme leader artistique grâce à ses productions inventives, à ses collaborations internationales et à ses modèles de production novateurs qui visent à mieux soutenir les artistes émergents pour qu’ils vivent de leur art.
Vous êtes reconnu, tant comme activiste que dans votre travail auprès des jeunes, pour apporter des changements positifs par le truchement des arts. Selon vous, qu’est-ce que le théâtre, en tant que forme d’art, peut apporter aux jeunes à risque, et comment mieux rapprocher ces jeunes du théâtre?
Le théâtre (les institutions théâtrales) est devenu un lieu qui privilégie certaines voix et expériences et en délaisse d’autres. Par conséquent, beaucoup se sentent exclus.
Le théâtre en tant que forme d’art a un grand impact à l’échelle communautaire, dans les écoles, les centres communautaires et la vie quotidienne des gens grâce au récit. Nous savons que le théâtre joue un rôle dans la vie des gens et que son impact est très puissant sur le renforcement des collectivités. J’en ai été témoin personnellement partout au Canada et à l’étranger. Cependant, les grandes institutions sont de moins en moins pertinentes parce qu’elles sont de moins en moins inclusives, que ce soit en raison du prix des billets, du contenu des pièces présentées sur scène ou, plus important encore, du choix des voix créatives. La question n’est donc pas de savoir ce que le théâtre peut faire pour les jeunes ou pour une communauté – nous savons ce qu’il peut faire. La question n’est pas non plus de savoir comment mieux les rejoindre. Ce qu’il faut se demander, c’est quel genre d’histoires voulons-nous valoriser? Et à qui confions-nous le soin de raconter ces histoires?
En guise de réponse à votre question, je veux rendre hommage à deux compagnies de théâtre très différentes de Toronto, Mammalian Diving Reflex et Jumblies theatre (et je suis certain qu’il y en a bien d’autres ailleurs au pays). Des gens issus de différentes communautés, des jeunes et des moins jeunes, travaillent auprès de ces compagnies. Elles font un travail incroyable pour offrir à d’autres personnes une plateforme leur permettant d’être le moteur créatif d’une voix différente.
Metteure en scène, comédienne, marionnettiste et conceptrice, Vicky Côté est la directrice du Théâtre à Bout Portant à La Baie, Québec. Ses ingénieuses créations et son cheminement riche en expériences de toutes sortes ont su faire marque un peu partout au Canada et ailleurs.
Vos productions mettent l’accent sur le corps et la gestuelle, et comportent très peu d’accessoires (parfois tous les accessoires peuvent tenir dans une valise!). Comment cette approche franchit-elle le « quatrième mur » entre le public et les acteurs et comment a-t-elle été reçue sur la scène internationale?
En utilisant le corps et son potentiel non verbal comme moteur de création théâtrale, l’aspect physique véhiculé et ressenti sur scène trouve son écho, entre autre, à travers la sensorialité partagé avec le public. En misant sur le geste, le « faire », le visuel, le son et le texte comme matière, à travers une thématique ciblée et une dramaturgie ouverte de sens, les référents sont parfois très concrets et parfois poétiques, laissant l’imaginaire du spectateurs faire son œuvre. La participation du public, de son intelligence à s’approprier certaines clés dramaturgiques rend pour moi le théâtre riche dans ce qu’il comporte de possibilités d’interprétation. En laissant ouvertes des pistes de sens, sans mettre de mots définis sur une situation et dans la bouche des personnages, les lectures diffèrent légèrement et me stimulent à échanger avec le public. Les spectateurs deviennent donc impliqués directement dans le sens que prend la pièce.
Par l’utilisation maximale des accessoires, en nombre parfois infime, parfois plus substantiel, je tiens à ce que ceux-ci aient une utilité, un impact et un sens dans le développement dramaturgique. Faire beaucoup avec peu et créer l’inattendu. Les contraintes (de jeu, scénographiques, sonores, physiques), que je trouve extrêmement stimulantes, apportent à la fois à ce qui se passent sur scène, tout comme au public qui devient empathique face à ces difficultés, à ces développements, à ces découvertes. À l’extérieur du pays, le langage ne devenant pas une limitation ou une divergeance flagrante d’interprétation, cette proximité avec le public reste intacte et le désir d’échange aussi. Cela enrichit ma volonté de partager ces réflexions, en forme de pièces de théâtre. Les travers de nos sociétés sont un immense terrain de jeu dans lequel nous plongeons pour faire surgir le théâtre. J’y plonge, armée d’imaginaire, de rêves, de quelques claques et de coups de pied.
Théâtre/danse
Prix John‑Hobday en gestion des arts : Julie Fossitt et Kate Cornell
Le Prix John-Hobday reconnaît d’éminents gestionnaires établis et à mi-carrière œuvrant au sein d’organismes artistiques professionnels canadiens. Chaque année, deux prix (d’une valeur de 10 000 $) sont décernés pour le perfectionnement et le ressourcement professionnels et pour le mentorat.
Julie Fossitt, de Kingston, est directrice du marketing du Grand Theatre, à la Ville de Kingston. Le Prix John‑Hobday lui permettra d’obtenir un certificat de maîtrise en leadership des communications marketing du Centre de formation des dirigeants (Executive Education Centre) de la Schulich School of Business (Université York).
Selon vous, quelle est la tendance la plus marquée en matière de commercialisation des arts? Quels types de compétences désirez-vous acquérir pour profiter de cette tendance?
La diversification des médias offre des possibilités incroyables pour promouvoir les arts, mais les dix dernières années ont complètement changé la manière de raconter, de partager et de consommer les histoires des artistes.
Les arts offrent une multitude d’histoires à partager, et les spécialistes du marketing ont cette tâche colossale d’en créer le contenu et de le partager sur différentes plateformes. Il s’agit là d’un véritable défi; les occasions de perfectionnement professionnel en commercialisation des arts étant peu nombreuses au Canada, les spécialistes du marketing continuent de se démener pour adopter les meilleures pratiques et rester au fait de l’évolution rapide du monde numérique.
Les spécialistes du marketing sont maintenant des généralistes qui doivent être capables de joindre d’éventuels clients de tous âges en adressant les histoires au public approprié. J’ai besoin de continuer à me tenir informée au sujet du marketing de contenu, de la collecte de données et de l’analytique du marketing pour être en mesure d’adapter et de modifier le message afin de le communiquer dans le médium approprié au public approprié. Il est essentiel que les gestionnaires des arts de tout le pays puissent échanger de l’information d’une façon officielle et que les spécialistes du marketing chevronnés puissent transmettre leur expertise aux nouveaux talents.
Kate Cornell, de Toronto, est directrice générale de l’Assemblée canadienne de la danse et coprésidente de la Coalition canadienne des arts. Grâce au Prix John‑Hobday, elle bénéficiera d’un mentorat auprès de Kathleen Sharpe, directrice générale du Fonds pour les manifestations culturelles de l’Ontario.
Le mentorat lui permettra de développer ses compétences en matière de négociation et de promotion des arts en analysant la Stratégie ontarienne pour la culture et Canada 150 comme études de cas.
Selon vous, quelle est la compétence la plus importante de nos jours pour la promotion des arts? Comment votre mentorat auprès de Kathleen Sharpe vous aidera-t-il à développer cette compétence?
La promotion des arts exige de nombreuses compétences comme la diplomatie, la clarté, le charme. Mais c’est d’abord et avant tout l’écoute qui est primordiale. J’ai proposé de travailler avec Kathleen Sharpe parce qu’elle est un excellent modèle féminin et une directrice établie ayant une attitude positive, et qu’elle défend ardemment les arts. Kathleen sait travailler simultanément avec les trois ordres de gouvernement : municipal, provincial et fédéral. J’admire sa capacité de voir le potentiel des gens ou des gouvernements. Je sais que son encadrement m’aidera à améliorer mes compétences en promotion des arts.
Arts visuels
Prix de Rome en architecture – début de carrière : Yves Patrick Poitras
Le Prix de Rome en architecture - début de carrière (34 000 $) est décerné à un nouveau diplômé d’une école d’architecture canadienne qui fait preuve d’un potentiel exceptionnel en design architectural contemporain.
Yves Patrick Poitras, qui a fait ses études à la Faculté de design environnemental de l’Université de Calgary, explore les façons dont les formes hybrides d’architecture (mixité des bureaux, maisons, lieux de divertissement, etc.) peuvent rendre les communautés plus fortes et plus efficaces. Yves visitera Berlin et Hong Kong, des villes qui ont repensé avec succès leur tissu urbain en créant des espaces hybrides uniques.
Selon vous, quelles idées et leçons apprises à Berlin et à Hong Kong pourrez-vous mettre à profit dans votre ville, Calgary?
Calgary, comme de nombreuses villes canadiennes, est une ville jeune qui a connu un nouveau développement. Cependant, c’est sa taille qui a gagné en ampleur plutôt que sa densité, ce qui a mené au développement de quartiers distincts où les gens vivent, travaillent et se divertissent. Par conséquent, il n’existe à peu près pas d’immeuble ou de quartier qui soit pleinement occupé à toute heure du jour. Le cœur du centre-ville est déserté en soirée et en fin de semaine, tandis que les quartiers de la banlieue se vident en matinée et en après-midi. Cela produit d’énormes conséquences sur la consommation d’énergie et la vie citadine.
À Hong Kong et à Berlin, la densité élevée et la réappropriation d’édifices à différentes fins a créé des tissus urbains existant au sein de leurs propres entités globales et mixtes. Dans de nombreux cas, des éléments similaires qu’ont en commun des types d’édifices différents ont été regroupés pour créer des typologies d’édifices hybrides. Les leçons apprises en visitant et en étudiant ces exemples pourraient nous aider à nous éloigner du modèle de développement des villes reposant sur des séries d’entités isolées. Les villes et les immeubles devraient plutôt être considérés comme la somme de leurs composantes qui, une fois greffées les unes aux autres, peuvent donner lieu à des efficacités communes et rendre nos quartiers plus dynamiques à toute heure de la journée.