
En route vers Petawawa…

Il y a sept ans, je me suis rendu à Petawawa, en Ontario, pour entreprendre une recherche pour la pièce de théâtre The Road to Paradise, qui traite des conséquences de la guerre sur les familles des militaires. Cette fin de semaine, j’étais très heureux de retourner à Petawawa, là où tout a commencé, pour présenter la pièce à la communauté.
On ne consacre généralement pas sept ans à la création d’une pièce; celle-ci, toutefois, était unique par l’étendue de sa recherche, l’inclusion d’artistes internationaux de la scène théâtrale et le désir de bien faire les choses. Tant de gens nous ont ouvert leurs portes et leurs cœurs et nous ont raconté leurs histoires les plus personnelles de pertes, de triomphe et de persévérance. J’avais toujours espéré que ce jour viendrait où je pourrais enfin présenter la pièce devant cette communauté.
Tant de gens nous ont ouvert leurs portes et leurs cœurs et nous ont raconté leurs histoires les plus personnelles de pertes, de triomphe et de persévérance. J’avais toujours espéré que ce jour viendrait où je pourrais enfin présenter la pièce devant cette communauté.

Les représentations au Théâtre Buddies in Bad Times de Toronto venaient tout juste de prendre fin la semaine précédente. Il s’agit d’un spectacle lourd sur le plan technique, présenté à l’intérieur d’une boîte métallique circulaire recouverte de sable. Samedi dernier, nous avons présenté le spectacle à l’école Valour High de Petawawa en utilisant seulement la conception sonore et les costumes, une nouvelle mise en place adaptée au cadre de scène et un courageux groupe d’acteurs et de régisseurs.
Notre pièce se penche sur les conséquences de la guerre non seulement sur les familles des militaires canadiens, mais aussi sur les familles de talibans et les immigrants afghans qui ont fui la guerre. Il ne s’agit en aucun cas d’une pièce de théâtre patriotique en faveur de la guerre. Par exemple, il y a un personnage Talibe dans la pièce qui s’adresse directement au public pour lui dire : « Si vous pensez que vous soutenez le peuple afghan, détrompez-vous, la vérité, c’est que vous tuez le peuple afghan. Vous n’avez aucune raison d’être ici. Nous vous demandons de quitter les lieux ».

Pendant la représentation, j’ai beaucoup observé le public. Que pensaient les spectateurs du personnage de la mère pakistanaise dont le fils de 13 ans a joint les rangs des Talibans pour devenir kamikaze? L’émotion était palpable lorsque le personnage de l’épouse canadienne recevait un appel de l’Armée, un samedi matin, pour lui demander où elle se trouvait et lui dire de ne pas bouger jusqu’à leur arrivée – cet appel que craignent toutes les femmes de militaires. Un homme seulement est sorti pendant l’exposé du Talib; j’étais inquiet de savoir s’il y en aurait d’autres. J’étais préoccupé aussi de savoir si ce que Jonathan Garfinkel et moi avions écrit pouvait s’avérer inadéquat, voire insultant; je me demandais si le portrait des familles de militaires canadiens que nous avions brossé dans notre production était inexact. J’étais inquiet à l’idée que ce public ne s’intéresserait peut-être pas aux autres aspects de ce conflit qui sont dépeints dans la pièce.
Pendant la période de questions et réponses après la représentation, le public a demandé aux acteurs s’il était difficile de vivre les émotions transmises par cette pièce tous les soirs; nous a demandé, à Jonathan et moi, si nous avions eu peur d’interviewer des talibans, et ce que nous pensions de la guerre. Par la suite, une femme s’est approchée et m’a dit que j’avais interviewé sa fille pour la pièce, dont le mari souffre grandement du trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elle a dit que sa fille faisait dire qu’elle ne pouvait pas assister à la pièce, que ce serait trop difficile pour elle de la regarder, mais qu’elle avait délégué sa mère en son nom. Elle m’a remercié d’avoir amené la pièce à Petawawa. Je lui ai demandé de remercier sa fille d’avoir partagé son histoire avec nous. Nous avons pleuré lorsque nous avons parlé du personnage de la pièce aux prises avec le TSPT, un personnage fortement inspiré de son gendre. Puis nous nous sommes longuement étreints.
Deux heures plus tard, le gymnase était vide, nos effets étaient remballés dans notre camion, et nous quittions les lieux.
The Road to Paradise a été présentée à Toronto, Pembroke et Ottawa dans le cadre d’une tournée qui vient tout juste de prendre fin. On prévoit la présenter dans tout le Canada et au Pakistan dans un an et demi.