Jouer sa vie : La musique pour protéger l’environnement? (6e billet)
Je l’avoue, j’ai du mal à demeurer passionnée par les changements climatiques. Montrez-moi une image représentant un enfant qui meurt de faim, la cruauté envers les animaux ou une autre fusillade et j’en aurai des palpitations cardiaques : « Il faut que ça cesse », criera mon cerveau (ou ma voix), tandis que je verrai rouge. Mais les changements climatiques? Ils opèrent en moi le processus inverse : mon cerveau envoie un message à mon cœur : « voilà ce qui devrait me passionner, n’est-ce pas là la plus grande menace à laquelle fait face l’humanité? ». Bien sûr, les images des forêts tropicales en train de brûler, de l’exploitation des sables bitumineux et des océans regorgeant de petites et grandes pièces de plastique contribuent à m’intéresser au sujet; et le fait de savoir que ce sont les animaux et les démunis qui finissent par en souffrir le plus y contribue encore plus. Mais comment parvenir à faire de la protection de l’environnement une expérience viscérale pour chacun de nous?
Je dois faire une digression ici et ouvrir une parenthèse : je ne crois pas que mon art changera le monde. C’est à la fois un bien et un mal : mon réalisme me protège des idées de grandeur et m’empêche de croire que mon art est une contribution suffisante. J’AIME émouvoir les gens avec ma musique, et lorsque je joue ou compose, je me dévoue corps, âme et esprit à la création d’une expérience magique. J’ai toutefois le sentiment que c’est moi qui reçois un cadeau lorsque des gens sont touchés par ma musique. Ils viennent assister à ma prestation, en sont les spectateurs; je prends la parole, ils écoutent, et choisissent d’apprécier. Vous vous rendez compte de la chance que j’ai?
Je ferme la parenthèse et je reviens à mon sujet initial : les changements climatiques. Tandis que je parcours les innombrables courriels envoyés par des organismes sans but lucratif qui s’engagent vaillamment à protéger l’environnement, je me sens dépassée… Tant de mots, tant de statistiques inquiétantes. Peut-être est-ce ici que la musique peut intervenir. En composant une symphonie qui intègre les sons des quatre saisons, les sons de quatre cultures en danger, peut-être puis-je traduire en émotions ce qui ne peut être exprimé en mots? Et si je peux associer ces émotions à des activités qui rapprochent les gens de la nature – une randonnée, une séance de nettoyage ou un rassemblement dans leur communauté – peut-être alors pourrai-je susciter une passion durable. C’est ce qui m’a poussée à entreprendre la composition de Four Seasons Rising. Voilà une commande aux proportions métaphysiques, mais la synergie entre musique et action présente un défi que je veux relever! Maintenant, si seulement je pouvais composer à un rythme supérieur à celui de la fonte des glaciers…
Merci de m’avoir lue,
Maria