Accès en contrepoint

Description de la vidéo

Une présentation d'un cadre d’impact qualitatif du projet Recherche en résidence : Répercussions civiques des arts. Mobilisation culturelle, en collaboration avec le Conseil des arts du Canada, le Groupe de travail sur les statistiques culturelles, la Fondation Trillium de l’Ontario et la Fondation des arts de Toronto, a mené des recherches pour comprendre l'impact civique des arts.

Accès en contrepoint, élaboré par Aaron Richmond (Université McGill), s’agit d’un cadre permettant d’évaluer les répercussions de l’accessibilité de la danse aux personnes aveugles et malvoyantes.

Orateur

Aaron Richmond, Université McGill

Date de publication

10 août 2023

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Aaron Richmond

Je m’appelle Aaron Richmond. Je suis chercheur postdoctoral du Milieux Institute for Arts, Culture and Technology de l’Université Concordia. Ce projet, le cadre que j’ai créé, s’appelle L’accessibilité en contrepoint. J’essayais de trouver une structure qui indiquerait qu’il ne s’agit pas d’un ensemble de lignes directrices à suivre. Ce n’est pas non plus un ensemble de suggestions simples laissant entendre que des approches en particulier doivent être suivies, ou que j’ai autorité sur le type de pratiques qui peuvent être accessibles dans les arts de la scène. Pour moi, le contrepoint suggère que des mélodies ou mouvements variés fonctionnent en tandem. Il suggère une certaine complexité dans les questions. Ainsi, lorsqu’on parle d’accessibilité et de création d’un ensemble de processus plus accessibles, « contrepoint » laisse entendre qu’il y a toujours plus d’un critère à garder à l’esprit et qu’une situation donnée comporte plus d’une possibilité.

Ma question de recherche pour ce projet était la suivante : comment l’exploration de la danse au-delà de sa dimension visuelle permet-elle de repenser l’accessibilité au-delà de ses dimensions strictement logistiques et fonctionnelles? Autrement dit, comment les projets auxquels je participais dans les arts de la scène nous poussaient-ils à réinventer l’accessibilité d’une façon qui allait au-delà de ses dimensions logistiques et fonctionnelles? D’où vient donc cette question? J’ai travaillé pendant environ 14 ans avec une quadriplégique nommée Judith Snow, une militante torontoise pour les droits des personnes handicapées. Pendant des années, Judith a défendu les droits des personnes handicapées. Enfin, au crépuscule de sa vie, elle s’est tournée vers les arts. Elle avait découvert dans le milieu certaines conversations sur l’accessibilité, pas seulement comme un besoin à satisfaire, mais aussi comme un point de départ vers d’autres questions d’inclusion et vers les termes que nous utilisons dans les arts pour parler les uns des autres. Je trouvais ça intéressant, la façon dont ces conversations sur l’accessibilité dans les arts étaient encadrées. Je voulais donc me servir de ce projet pour pousser la réflexion. D’après ma compréhension, il y avait une sorte de séparation entre, d’une part, les questions sur l’art et les expériences esthétiques, et d’autre part, ce qui constitue de la danse – de la danse ayant un véritable intérêt, pour certaines personnes, à savoir pour les personnes non handicapées –, et enfin, ce qui constitue l’accessibilité ou les enjeux logistiques entourant les prestations ou les œuvres accessibles pour la population handicapée. Il me semblait qu’il y avait une façon de regrouper ces conversations sans provoquer une séparation. Ce projet se déroulait rapidement. Environ six mois après le début du projet, il fallait déjà intégrer le secteur des arts, adopter des pratiques déjà ancrées et donner du sens à quelque chose qui était déjà en cours. Compte tenu de l’échéance du projet, je me suis dit que plutôt que d’inventer un ensemble de situations ou de programmes à observer de l’extérieur, j’avais tout intérêt à observer des projets déjà entamés.

Parlons donc de Danse-Cité. Un an avant le début de ce projet, Danse-Cité lançait un projet pilote visant à former une cohorte de 15 personnes souhaitant devenir des interprètes effectuant des audiodescriptions de danse. C’était la première année du projet. Plusieurs projets ont poursuivi sur cette voie. Ma méthode de recherche consistait donc à m’implanter dans un ensemble de pratiques déjà en place comprenant un atelier de danse organisé dans le cadre de Danse-Cité. Quatre chorégraphes avaient pour tâche de créer un projet en dialogue avec des personnes aux capacités visuelles variées. Je devais m’insérer dans cet ensemble de processus, me joindre à la communauté, participer aux ateliers organisés dans le cadre du projet et procéder à une série d’entretiens avec les personnes qui organisaient ces projets, qui y participaient et qui les soutenaient d’une façon ou d’une autre. Les entretiens visaient à former un échantillon représentatif des personnes de tous les volets du secteur des arts, donc des artistes en processus de création, des personnes qui œuvrent du côté organisationnel et des membres des communautés aveugles et malvoyantes à qui on avait demandé de participer à certains des projets. Je voulais vraiment un éventail d’opinions et de réflexions sur les différents projets en cours. Les conversations sur l’évaluation des répercussions sont toutes nouvelles pour moi. J’ai pu trouver mes repères dans ces conversations en réfléchissant à la notion de valeur, et à la façon de parler de la valeur dans les arts et de la mesurer.

Même en parlant de la mesure de la valeur, mes interlocutrices et interlocuteurs semblaient graviter autour de la quantité et des termes quantitatifs. Dans quelle mesure une chose en particulier les avait-elle touchés? Le public avait-il été au rendez-vous en grand nombre? Nous avons vraiment cette habitude, même quand il s’agit de quantité, même dans nos métaphores et notre langue, de revenir à la valeur comme quelque chose de progressif et d’évolutif. En insistant sur les mots et les concepts, ce cadre essayait d’attirer l’attention sur les façons d’étudier, d’observer et de remarquer la valeur dans l’utilisation de la langue et dans l’importance relative des différents termes. Ces ensembles de termes deviennent des points de rassemblement et des points de discorde. Ils distinguent, et divisent.

Pour ce qui est de l’objectif de mon cadre… Je dois d’abord préciser que le cadre fonctionne selon plusieurs paires de concepts. Donc, j’essayais d’attirer l’attention sur ce que j’avais observé à mon arrivée dans le secteur, soit une série de conversations dans lesquelles la valeur faisait l’objet de négociations. C’était une façon de parler de la valeur qui ne se limitait pas à la mesure, mais qui en signalait la présence, en quelque sorte. Pour tous ces termes, il y avait souvent ce moment où je déviais dans une direction. Dans ce cas-ci, avec « création » et « réception », et en collaboration avec Danse-Cité, qui est un projet montréalais, il y avait beaucoup de conversations qui portaient sur la communauté de danse à bâtir en incluant les membres des communautés aveugles et malvoyantes, de sorte que ces personnes puissent prendre part à l’expérience et que la danse touche véritablement son public. Je dirais que pour la majorité de mes entretiens et des pratiques dont j’ai été témoin, cette conversation dominait. Dans la deuxième moitié du projet, j’ai commencé à m’entretenir avec des artistes de la Colombie-Britannique, principalement de Vancouver. Là-bas, je me suis retrouvé avec un ensemble complètement nouveau de questions, surtout après avoir parlé avec Carmen Papalia. Il a changé et ouvert pratiquement toutes les questions que j’ai posées d’une façon qui m’a fait repenser tout le cadre. Donc, pour la création et la réception, j’ai posé à Carmen une question sur la création d’un public composé de personnes aveugles ou malvoyantes. Il m’a répondu, et je paraphrase, qu’il y a un tout autre aspect à considérer. Il m’a dit qu’il y avait un tout autre ensemble de questions portant le travail au sein des établissements et du côté de la production pour veiller à ce que les personnes aux capacités visuelles variées puissent participer comme productrices. Je dirais que le tournant de cette série de conversations a eu lieu avec les artistes de la côte Ouest. Peux eux, il était surtout question des personnes présentes lorsque des décisions sont prises sur le type d’œuvres exposées, et qui siègent à un conseil d’administration lorsque des décisions sur prises sur le type de programme créé. Ces conversations ont beaucoup plus à voir avec le type de personne qui participe à la production qu’avec le type de public créé. Selon moi, il y a presque une disparité régionale dans ces questions. Chacune des prestations auxquelles j’ai assisté, qui étaient accompagnées d’audiodescriptions, prévoyait déjà une séance de rétroaction. Tout le monde qui y participait pouvait se faire une idée du consensus. Je me suis dit que plutôt que de monter un questionnaire ou un truc du genre, j’essaierais d’évaluer la réaction du public. Je participerais à ces séances pour avoir une idée de ce dont on parle. Les séances étaient souvent beaucoup plus courtes que ce que j’espérais, mais elles laissaient suffisamment d’espace pour faire ressortir les impressions du public.

Ces ateliers créatifs permettaient également de savoir comment le public réagissait face à différentes œuvres. La réception des œuvres était initiée par l’artiste et son organisme. Sachant cela, comment les organismes réfléchissaient-ils aux problèmes associés à la réception? Pour moi, c’était une problématique très intéressante. Il serait probablement utile ici de donner un exemple concret. Avec toutes les dimensions du type de prestation, du type de pratiques créatives que j’observais, il y avait un certain ensemble de questions qui semblaient manifestement logiques. Pendant un temps, je remarquais que beaucoup de ces problèmes étaient centrés sur l’accueil et l’hospitalité. Donc, qu’est-ce qui se passe lorsque quelqu’un va voir un spectacle? Comment cette personne est-elle accueillie dans l’espace de spectacle? Pour moi, c’était un ensemble intéressant de questions, car d’un côté, il semblait comporter un aspect purement logistique. Donc, comment prévoir un transport accessible qui prévoit un arrêt précis? Combien de temps à l’avance doit-on prévoir le transport accessible? Comment indiquer l’emplacement de l’événement? Y a-t-il une installation pour accueillir les gens? Si c’est le cas, comment leur explique-t-on l’application audio? Y a-t-il une application d’audiodescription mobile que les gens peuvent utiliser? Il y a donc tout un volet technique à l’accueil des gens à un spectacle. J’étais fasciné de voir principalement le personnel administratif de tous ces événements réfléchir des semaines à l’avance à cet ensemble vraiment complexe de questions sur la chorégraphie d’une performance dans sa dimension la plus logistique. Dans un certain nombre de spectacles par contre, l’accueil des gens faisait partie intégrante de l’œuvre. Je pense notamment à un projet intitulé Translations, conçu à Vancouver par All Bodies Dance. Je me suis entretenu avec Naomi Brand et Collin van Uchelen, qui m’ont expliqué la création de cette œuvre. À l’arrivée des visiteuses et visiteurs, Collin faisait une première introduction, présentait la pièce et donnait le coup d’envoi.

Naomi et Collin ont ensuite décrit qu’une fois les personnes dans l’espace, la chorégraphie leur était graduellement présentée de différentes façons. Ils ont tous deux décrit une sorte de superposition de la chorégraphie. On a d’abord la description, puis sa mise en forme dans l’espace, le son et une personne derrière nous qui donne vie à l’œuvre, et la décrit avec des gestes physiques dans notre dos. Je ne décris pas très bien la dimension très technique de cette superposition. Mais ce que je trouve intéressant, c’est que lorsque je me suis entretenu avec Naomi et Collin, ils l’ont tous deux décrit comme une sorte d’intrusion dans la chorégraphie. Pour eux, le fait d’accueillir une personne dans la danse ne se limite pas aux dimensions logistiques. Par exemple, « comment je la fais entrer dans le théâtre? » Pour eux, c’est aussi, comment je la fais entrer dans la danse? Comment introduire les gens dans un mouvement de la danse? Ainsi, l’hospitalité, l’accueil, peu importe comment on le voit, devient une façon très intéressante de réfléchir à la logistique et à l’esthétique. Les deux sont intégrées de telle sorte qu’on ne peut pas si facilement les distinguer. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. Justement, un exemple intéressant que j’ai vu sur la question du besoin et de l’aptitude était le spectacle More Than Things d’Emile Pineault. Dans ce spectacle, la structure particulière avec laquelle Emile a joué, du moins l’une d’entre elles, reposait dans la façon dont les gens étaient assis dans l’espace. Dans une optique de handicap traditionnelle, les places sont distribuées ainsi : si on va dans une grande salle de spectacle, on remarque souvent une place accessible en fauteuil roulant. On a donc les personnes non handicapées et leurs sièges réguliers, puis on a une zone désignée pour les personnes dites handicapées, généralement en fauteuil roulant motorisé.

Dans More-Than-Things d’Emile Pineault, il y avait des sièges de différentes hauteurs. En arrivant sur place, que ce soit à pied ou en fauteuil roulant, on voyait qu’il y avait des places au sol, qu’il y avait des sièges plutôt bas, qu’il y avait des coussins et aussi des sièges droits. Et toutes ces places s’entremêlaient de façon à permettre différentes configurations. L’espace offrait aussi une certaine flexibilité. Par exemple, si vous étiez avec une personne qui avait besoin d’un certain type de siège et que vous aviez vous-même besoin d’un type de siège différent, vous pouviez tout de même vous asseoir ensemble. Et on pouvait aussi s’adapter en cours de route, à mesure que les gens entraient dans la salle. Disons que vous aviez pris un siège droit et que vous voyiez arriver une personne qui avait visiblement besoin d’un tel siège, parce qu’en raison de son âge, ou pour toute autre raison, elle n’avait pas l’air de vouloir s’étendre au sol ou sur un coussin, vous pouviez vous adapter. Et les gens l’ont fait. Ainsi, ce qui se produisait, c’est qu’avant le début de la prestation, des gens ayant différents types de corps et de capacités pouvaient en quelque sorte négocier l’espace entre eux. Ils devaient être sensibles au fait que différentes personnes se trouvaient dans cet espace et le partageaient. Voilà donc un exemple de cas où un besoin simple et concret, à savoir le besoin de sièges de différents types, a donné lieu à un ensemble de conditions qui se sont avérées beaucoup plus intéressantes, beaucoup plus intégrées et beaucoup plus inclusives, selon moi, que la désignation d’une ou deux places pour des personnes en fauteuil roulant électrique. À mes yeux, pour régler la question des aptitudes, il faut savoir repérer les possibilités : dans l’expérience d’une personne qui diffère de la norme, où trouvons-nous les possibilités d’interagir de différentes façons les uns avec les autres, d’interagir avec les œuvres d’art, de produire des œuvres d’art? J’en ai vu un exemple intéressant dans le spectacle Camille, d’Audrey‑Anne Bouchard. Cette proposition était unique, car les personnes ayant une déficience visuelle tout comme les personnes voyantes devaient entrer dans la salle sans voir. Les personnes voyantes recevaient donc un bandeau pour les yeux, en plus d’une paire de pantoufles, et se faisaient escorter vers la salle par une ou un guide. Ainsi, tout le monde se faisait guider jusqu’à son siège. La première expérience que les gens vivaient, avant même de s’asseoir à leur place et avant même le début du spectacle, c’était de se faire dire par leur guide « maintenant, on va descendre un escalier ». Les guides ne précisaient pas combien de marches il fallait descendre; les gens savaient seulement qu’il y avait un escalier devant eux. J’étais donc là, à me tenir au bras de quelqu’un, un peu fasciné de constater que je paranoïais à l’idée d’être dirigé tout droit dans un mur; j’avançais en tendant une main devant moi. J’étais très nerveux à la perspective de cette rencontre. Ça a pris un moment avant que je me sente à l’aise de me faire escorter comme ça, que je me sente à l’aise de descendre un escalier avec quelqu’un, de me faire guider dans les marches. Et je me souviens qu’il y avait environ 20 à 25 marches à parcourir, il y avait beaucoup de marches dans cet établissement. C’était spécial d’entrer dans une salle de spectacle au bras d’un guide, sans voir les lieux, de se faire escorter et de devoir trouver le rythme d’un escalier avec quelqu’un d’autre. Pour moi, ça fait partie des expériences les plus mémorables de tout le projet de recherche. C’était une situation particulière où une aptitude, le fait d’être privé de la vue, l’expérience de se faire guider, tout ça ouvrait la possibilité d’établir une relation différente avec une autre personne, d’arriver par un moyen différent sur les lieux d’une prestation. Il y avait là une véritable possibilité créative.

Capacité : voilà un autre de ces termes qui semblaient si élémentaires qu’il était difficile de les remettre en question. Dans bon nombre des ressources d’évaluation des répercussions que je trouvais utiles pour orienter cette recherche, « capacité » s’imposait comme un terme vraiment stimulant, une façon de réfléchir, dans une perspective très globale, à ce que peut faire un organisme artistique, au type de ressources dont il dispose et aux moyens de développer cette capacité à travers différentes pratiques artistiques. Ensuite, il y a l’adéquation. Dans mes lectures de Jimmy (encore une fois grâce à Carmen Papalia), dans une partie de Towards Braiding, qui décrit une sorte de tendance coloniale à l’expansion, et dans mes propres recherches, j’ai commencé à remarquer qu’on laissait aller la question de la croissance, l’idée que les arts peuvent prendre de l’expansion, la perception des arts accessibles comme une chose qui peut être développée, bonifiée et cultivée, et que tout ça était un modèle dominant dans notre façon de réfléchir à ces questions.

Dans la question de l’adéquation, il y a un élément de modestie qui entre en ligne de compte. Au lieu de concevoir le secteur des arts comme une sorte d’organisme vivant qui doit gagner en force et grandir encore et encore, que ce soit à l’échelle nationale, provinciale ou locale, Jimmy semble suggérer qu’il est plus important de prendre le temps de repérer les besoins au sein des communautés qui se forment. Au lieu de concevoir le secteur des arts comme une entité qui flotte dans les airs et qu’on peut faire grossir sans relâche, il vaut mieux se demander quelles sont les communautés sur le terrain et quels sont leurs besoins. Il faut rester à l’affût de ces besoins et, en tant qu’établissement artistique, ancrer ses structures et ses mécanismes dans des boucles de rétroaction et alimenter le dialogue. Ainsi, on s’éloigne du modèle de la croissance pour la croissance et on évite de fonder des institutions sans véritable raison, puisque tout est aligné directement sur les besoins d’une communauté donnée, à un moment donné, dans un espace donné. Pensez aux universités, dans bien des villes américaines, où les programmes sont gonflés à l’extrême, où les campus deviennent tentaculaires et où les installations sont incroyables. Il existe une façon pour les arts de grandir. Je n’en sais pas beaucoup sur l’utilisation de la question de l’appartenance dans les analyses qualitatives, mais l’une des choses que j’essayais de faire avec l’intégration et l’intimité, c’était de décrire les différentes significations que peut revêtir l’appartenance. Cette notion peut être comprise de différentes manières. On peut appartenir à un groupe selon les conditions établies par ce groupe. On est dans une relation de proximité avec les autres et, à mon avis, on fait plus qu’appartenir au groupe. Je cherche à définir les paramètres de l’inclusion. Dans quelles conditions l’inclusion se produit-elle? Comment se présente-t-elle? Il peut y avoir des sortes d’inclusion où une personne est forcée d’abandonner ses différences pour faire partie du groupe.

L’inclusion requiert une certaine homogénéité – c’est en quelque sorte le prix d’entrée à payer. Avec l’intégration et l’intimité, je tente de décrire les différentes circonstances dans lesquelles se produit l’inclusion et de montrer que ces circonstances nous obligent parfois à mettre nos différences de côté. Mais il y a aussi d’autres circonstances qui nous invitent à mettre ces différences de l’avant, à entrer dans un espace pluriel, ce qui fait naître un ensemble de conditions et de termes différents. L’intimité est parfois décrite par les gens comme moi, et par Mingus, d’après ce que j’en comprends, comme une sorte de proximité, de rapprochement et de compréhension pouvant résister aux différences. Ainsi, deux personnes très différentes peuvent se trouver dans un même espace et y être toutes les deux bienvenues, dans une expérience partagée qui ne tente pas de supprimer les différences. Le modèle de l’intégration, quant à lui, avait été élaboré afin de générer de nouveaux degrés d’inclusion, ce qu’il a probablement fait dans certaines mesures très importantes. Mais j’ai remarqué – et j’ai tenté de mettre en lumière – le risque qui accompagne l’acception plus récente du terme « intégration », laquelle nous porte à penser que l’expérience marginale d’une personne handicapée doit être intégrée dans un centre normatif. Ce que la notion d’intimité amène, plutôt, c’est la possibilité de concevoir un ensemble de conditions où l’inclusion ne se réalise pas au prix de la différence, où elle n’oblige pas les gens à nier leurs différences. Le cadre est organisé en sections. Chacune présente une paire de termes, donne une description de ces termes et explique le rapport que je vois entre eux et ce qui m’intéresse dans ce rapport. Puis, il y a une série d’indicateurs axés sur chaque terme, suivis de remarques.

Ces remarques sont des citations, tirées d’entrevues avec les participants, qui portent sur les paires de termes. Le cadre s’adresse aux personnes qui cherchent à faire de l’art accessible ou qui entreprennent des projets d’art accessible, à des organismes qui se demandent comment concevoir l’accessibilité, comment amorcer des conversations sur le sujet ou comment pousser ces conversations plus loin. Il s’adresse avant tout aux gens qui sont du côté de la production, c’est-à-dire celles et ceux qui gravitent dans le secteur des arts, que ce soit dans la production d’œuvres, dans le soutien organisationnel ou dans la présentation d’œuvres. Il s’appuie sur des recherches menées dans le monde des arts visuels, mais je crois que ces conversations ratissent assez large pour s’appliquer aux arts interdisciplinaires.

À mon avis, le climat politique actuel est très combatif, et bien des gens ont très peur de faire une gaffe. C’est vrai pour un grand nombre d’enjeux, dont les questions de handicap et d’accessibilité, sans doute. Je le constate dans ma propre expérience, en analysant ce que j’observe dans le secteur des arts : les gens ont peur de dire ou de faire quelque chose qu’il ne fallait pas. L’époque dans laquelle on vit peut être intimidante, et les conversations sur l’accessibilité sont particulièrement complexes – et je ne suis pas expert en la matière. Ce document se veut donc une sorte de guide, de point d’entrée pour réfléchir à ces complexités et à certains enjeux dans la production d’art accessible. Il est rédigé du point de vue d’une personne qui a l’habitude de faire de l’art. J’espère qu’il saura mettre en lumière les aspects les plus stimulants de la production d’art accessible. Je crois sincèrement qu’il y a une certaine lassitude dans la communauté artistique en ce moment. Il y a tant de problèmes qui ont été amplifiés, et il y a tant de cynisme dans le secteur… Selon moi, la création d’art accessible a quelque chose de véritablement stimulant, de véritablement expérimental. Je souhaite qu’on ait envie de poursuivre cette expérimentation. Car elle a déjà lieu, et j’espère qu’elle se poursuivra.