Ouvrir des portes vers la réconciliation
En 2016, l'artiste Sam Thomas de la bande Cayuga du Territoire des Six Nations a dirigé 42 ateliers dans 8 communautés en Ontario et en Saskatchewan, rassemblant peuples autochtones et non-autochtones pour faire du perlage sur portes dans un geste de réclamation, de rétablissement et de réconciliation. Ses ateliers Opening the Doors to Dialogue ont été subventionnés grâce à l'initiative {Ré}conciliation, un partenariat entre Le Conseil des arts du Canada, la fondation de la famille J.W. McConnell et Le Cercle sur la philanthropie et les peuples autochtones au Canada.
Amorcer un dialogue
Avec Opening the Doors to Dialogue, j'ai été en mesure d'apporter ma contribution au processus de guérison des victimes des pensionnats autochtones. En Saskatchewan, il y avait une communauté en particulier où personne n'avait eu la chance de parler de leur expérience – ni aux êtres qui leur étaient chers, ni à la Commission de vérité et réconciliation. Ils estimaient qu'aucune compensation monétaire ne pourrait pallier ce qui leur avait été enlevé. Mais grâce à mon processus, ils se sont avancés.
Cinq générations de victimes étaient réunies, toutes à l'étape initiale du processus de guérison. C'était difficile d'être témoin de la douleur juste sous mes yeux. Je suis un artiste, mais dans mes ateliers, je suis également un facilitateur, un médiateur et un conseiller sans formation. Je ne peux pas juste ouvrir une boîte de Pandore et m'en aller. Je dois aider les gens à tourner la page. En ce sens, c'était exténuant d'avoir à constamment absorber cette énergie tout au long du projet.
Lors de chaque session, à laquelle assistaient des victimes et des autorités officielles du clergé, j'établis des règles de base : personne n'est là pour faire la morale ou pour convertir les autres. Nous sommes là pour écouter et donner de la rétroaction avec notre cœur. Il était important pour moi que les représentants du clergé, même s'ils n'avaient pas travaillé dans les pensionnats, admettent qu'ils portaient le fardeau de ce qui avait été commis. Je voulais aussi que les victimes acceptent que ce qui était arrivé ne fût aucunement de leur faute.
Dans n'importe quel type de réconciliation, les deux parties doivent s'impliquer. Nous devons amorcer un dialogue – tant qu'on ne s'exprime pas, on ne peut pas être entendu.
Perler pour apaiser
J'en suis venu à voir le perlage encore plus comme un geste de guérison après le décès de ma mère. Je pratiquais le perlage avec elle depuis 35 ans et lors de son décès, il a quelque peu perdu de sa signification. Je l'ai remis en question... me demandant si je voulais continuer à le faire. Lorsque j'ai travaillé sur le projet Wiping Away the Tears (Essuyer les larmes), j'ai utilisé des perles de verre, un peu comme des perles de condoléances (« ouvre ta gorge, essuie tes larmes, purifie tes oreilles. ») Cela a été utile à travers le processus de deuil et pour redécouvrir ma mission.
C'est au Kenya que j'ai utilisé le perlage dans un processus de réconciliation pour la première fois, à l'endroit où l'Église avait rassemblé des biens culturels et les avait brûlés devant les autochtones. Je les ai rassemblés à cet endroit et j'ai travaillé avec les femmes afin de recréer ce dont ils avaient été dépossédés.
Redynamiser, donner une nouvelle signification à un art perdu
J'ai commencé à m'intéresser au perlage il y a 40 ans (j'avais 13 ans), lorsque j'ai commencé à travailler avec Theresa Meness et sa fille Juliette Meness Ferguson, de Maniwaki, qui tannaient des peaux de cerfs à la main selon la méthode traditionnelle algonquine.
C'est environ à ce moment que j'ai commencé à regarder et à observer de près les mocassins dans les collections de musées.
J'ai demandé la permission d'aller dans les coulisses des établissements comme le Musée canadien de la civilisation (maintenant le Musée canadien de l'histoire) et le Musée royal de l'Ontario. Même si j'étais jeune, en raison de ma détermination à vouloir faire revivre cet art, j'ai toujours réussi à obtenir la permission d'aller observer les œuvres de près.
J'étais fasciné par le perlage iroquois, mais plus personne n'en faisait alors j'ai dû être autodidacte. J'allais à la recherche d'objets faits de perlage dans les magasins d'occasion. À cette époque, ces objets n'avaient aucune réelle valeur en tant qu'antiquités. Ils étaient considérés comme des objets « indiens » faits pour les touristes. On pouvait alors acheter des objets faits de perlage qui valent aujourd'hui des centaines de dollars pour 5 $ ou 10 $. Je les achetais, je les désassemblais minutieusement, j'étudiais la façon dont ils étaient cousus et je les réassemblais.
J'avais le sentiment profond déjà à ce moment que je devais faire quelque chose pour faire revivre cet art. Plus j'en apprenais, plus je désirais voir cet art sortir des cuisines pour se retrouver sur les murs des galeries d'art. J'essaie maintenant d'aller au-delà – je cherche toujours des moyens de faire avancer l'art.