Quand même, tsé : visite avec Mark V. Campbell, commissaire. #QuandMêmeTsé

Description de la video

Profitez d’une visite guidée de Quand même, tsé : la résilience esthétique de l’art visuel hip-hop avec Mark V. Cambell, le commissaire de l’exposition. Quand même, tsé est la dernière exposition présentée à l’espace Âjagemô du Conseil des arts du Canada, au 150, rue Elgin, à Ottawa. L’exposition se déroulera du 9 février au 23 mai 2022.

Découvrez les œuvres d’artistes visuels du Canada et d’ailleurs dont la créativité témoigne des traces durables qu’ont laissées les dimensions visuelles du hip-hop sur la culture canadienne et sur l’esthétique caractérisant l’ère numérique. Ces œuvres représentent une multitude de pratiques et de techniques d’arts visuels, allant des murales graffitées aux techniques mixtes en passant par les vidéos de danse. L’exposition met en vedette de nombreux artistes dont Kalkidan Assefa, Corey Bulpitt, Curly, EGR, Eklipz, Elicser Elliott, Nelson « Dedos » Garcia, Mique Michelle, MissMe, STARE, Mark Stoddart, Mark Valino et Wizwon. La série Moments of Movement: Freestyle Dance de Mark Valino met en vedette plusieurs danseurs, dont Marie-Pier Lopes (Zepol Rock), Diana Reyes (Fly Lady Di), Tyrell Black, Ashley (Colours) Perez et Tafiya B.

#QuandMêmeTsé

Orateur

Mark V. Cambell, commissaire

Date de publication

21 mars, 2022

Informations sur l'événement

L’exposition se déroulera du 9 février au 23 mai 2022.

Voir l’exposition

Quand même, tsé

Voilà une célébration de la résilience et de la résistance de l’art visuel hip-hop. Malgré des décennies de réglementation et la criminalisation de la culture du graffiti, le hip-hop et ses pratiques d’art visuel ont toujours témoigné d’une créativité qui dépasse les limites tracées, qui s’élargit et qui captive l’imagination du public et l’attention des gens d’une façon qui est toujours restée fraîche. Nous allons examiner comment évolue le graffiti, dans les pratiques de tatouage et dans la sculpture, les couvertures d’album et la danse. comment il a fait sa place dans l’illustration numérique,Quand même, tsé explore comment nous préservons cet art et évoluons. Dans cette exposition, vous explorerez la notion d’intention, d’éphémérité, de préservation, d’archivistique et d’impermanence.

C’est parti, allons jeter un coup d’œil à l’exposition Quand même, tsé.

Cette œuvre de Curly, Fantasia in 1987 – Hail the Lizard King, rend hommage à l’une des murales graffitées les plus influentes d’Edmonton. Dans l’œuvre originale, Lizard King s’inspire de Fantasia, un film de Disney. On peut voir les mains de Mickey Mouse ici, une allusion à ses oreilles en haut, et à ses pieds, ici, en bas. L’art de Curly a une dimension archivistique. Il fait un contrepoint à la nature éphémère du graffiti et rend hommage aux pionniers et aux architectes de la culture hip-hop.

Cette œuvre sans titre d’Elicser Elliott, un artiste torontois, nous renvoie à un personnage emblématique des Transformers, le dessin animé des années 1980. Fait intéressant, ce boombox a été évacué de l’adaptation cinématographique du dessin animé. Elicser nous rappelle ici que la culture hip-hop continue de valoriser les technologies obsolètes. Commandée pour la première exposition de Northside Hip Hop il y a plus de dix ans, cette œuvre est un commentaire sur le rôle de la mémoire sociale dans le souvenir collectif, et sur le rôle des médias dans l’oubli collectif.

Les artistes qui ont des décennies d’expérience – comme, ici, Corey Bulpitt – expérimentent beaucoup et ont une pratique qui s’arrime à d’autres formes d’art visuel. Corey allie ici la typographie du graffiti et la sculpture ancestrale, s’inspirant de son héritage haïda et de son appartenance au lignage du clan Corbeau de Naikun. Ainsi, il évoque à la fois l’art urbain et les pratiques de ses arrière-arrière-grands-pères : l’artiste haïda reconnu du XIXe siècle Charles Edenshaw, et le sculpteur prolifique Louis Collison. Avec cette sculpture de bombe aérosol, Corey Bulpitt joue avec la temporalité : il associe une pratique artistique ancienne avec des codes beaucoup plus récents. En alliant des esthétiques d’hier et d’aujourd’hui, on transcende la notion du temps en toute fluidité. Cette cannette produit exactement le même son qu’une véritable bombe aérosol, mais on ne peut pas l’agiter ici, dans l’exposition.

En misant sur la puissance du tag, avec Dilo, Mique Michelle nous renvoie aux noms autochtones des étendues qu’on appelle aujourd’hui les Grands Lacs. S’éloignant des racines profondément urbaines du graffiti, l’artiste nous suggère fortement d’observer la puissance associée au fait de nommer et de renommer. Par exemple, le lac Michigan s’appelle ici « Michigamme », le nom original donné par les Odawas. Cette abstraction met en évidence les étendues d’eau, qui sont entourées de couleurs pastel. La terre est jaune, rose, vert et orange. La murale prend un autre sens : elle devient un mémorial qui nous invite à revenir à des schémas de connaissances autochtones qui étaient là avant les paysages urbains qui ont vu naître le graffiti.

Dans cette grande murale, EGR rend compte du rapport parfois turbulent entre l’art urbain, les programmes d’embellissement et les forces municipales. The Evolution of Graffiti and Revolt est une œuvre à plusieurs strates. À partir du haut ici, on voit beaucoup de panneaux publicitaires.

Ça, c’était en 2011, durant la campagne Beautiful City, où la Ville de Toronto devait diriger les fonds générés par ces publicités vers les artistes et les communautés artistiques. Sous cette pollution visuelle, on a un mur de briques avec, on dirait, le tag d’EGR qui se fait recouvrir de peinture blanche. On a aussi du public qui est témoin de la création d’une murale légale, on dirait. Plus vers la droite, on a un homme en costume-cravate qui, ironiquement, efface des graffitis. On dirait le camion d’une entreprise d’effaçage de graffitis. Si on descend un peu plus bas, sur cette strate, on commence à voir les impacts environnementaux du nettoyage de ces graffitis par ces entreprises d’effaçage.

Le vidéographe Mark Valino a réalisé la série Moment of Movement, qui jette un regard intéressant sur la danse de rue. La danse est exécutée dans des espaces publics partout dans le monde, et l’artiste invite les danseurs à improviser sur les chansons qu’il leur propose. Dans la vidéo ici – un extrait de la série –, on accroche le regard avec des mouvements qui réinterprètent le rapport à l’espace public.

Ces interventions dans l’espace public mettent de l’avant des formes de danse qui ont parfois été mises au ban comme le breakdance dans la ville de New York. Les danseurs réinterprètent physiquement le rapport avec divers lieux : métro, quartier financier, usine et parc d’attractions abandonnés, entre autres.

Dans Moments of Movement #104, Tafiya, avec la ville de Toronto et une partie de la Graffiti Alley en arrière-plan, souligne la manière dont la danse en public peut être une matérialisation du graffiti, envoyant des messages codés aux passants.

Dans cette œuvre d’Eklipz intitulée Colton Kills, l’artiste a choisi de réinterpréter une publicité de téléphonie cellulaire. Il y appose son tag et, à l’intérieur des lettres, on voit des enfants-soldats. Les mêmes enfants-soldats qui sont associés à l’extraction Cette œuvre évoque le rapport étroit des mines de coltan au Congo. entre l’exploitation minière et notre utilisation des téléphones cellulaires, en Amérique du Nord. Le travail d’Eklipz fait référence à une génération du hip-hop, à une culture où la conscience sociale et la compréhension de soi étaient fondamentales.

Dans S to the T, de STARE, un graffiteur montréalais, l’artiste s’éloigne des formes originales du graffiti. Il applique plutôt du ciment sur une toile pour créer une œuvre conçue pour une galerie. du graffiti, mais on ne parle pas encore d’une série de lettres ou d’un nom comme tel. Dans ce diptyque, les lignes angulaires évoquent l’esthétique plus traditionnelle On nous propose plutôt une partie d’œuvre qui ne rend pas compte compte du tableau complet. Son caractère incomplet est possiblement un commentaire sur l’incapacité des galeries traditionnelles à accueillir et rendre justice à l’audace de l’art du graffiti.

On peut déceler l’héritage de l’écriture du graffiti dans les œuvres de rues d’une artiste comme MissMe. Dans sa série sur les hijabs, elle défie la tentative du gouvernement du Québec d’interdire le port du foulard sur la tête. Dans cette œuvre intitulée Free Cap, une jeune femme jette au spectateur un regard défiant, lui renvoyant le genre de regards que l’on porte régulièrement aux femmes – et à leur corps – dans l’espace public. Sur l’œuvre, on voit deux couvre-chefs : une casquette de baseball superposée à un hijab, portés par une femme qui refuse d’ignorer le spectateur.

Je vous remercie d’avoir visité avec moi l’exposition Quand même, tsé, une exposition nationale qui réunit des œuvres d’artistes de plusieurs provinces du Canada. Soulignons que cette exposition ne fait qu’effleurer la surface de la longue et riche histoire de l’art du graffiti et de l’art urbain au Canada.