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Madweyàshkà | Comme une vague

Par Olivia Kristoff, commissaire d’exposition

Comme une vague, les expériences des peuples autochtones au Canada fluctuent sans cesse. Les disputes territoriales, les traumatismes intergénérationnels, le spectre des pensionnats, les conflits politiques et le racisme imprègnent la vie des gens. Dans ce contexte, les artistes autochtones ont trouvé une façon d’utiliser l’art pour traiter de ce qu’on leur a volé.

Si l’art autochtone contemporain était autrefois exposé dans les musées d’ethnographie pour renforcer le concept de « l’Autochtone en voie de disparition », les artistes refusent aujourd’hui d’être relégués au passé. Plutôt, ils créent leurs propres modes de contribution au milieu de l’art contemporain. L’art est désormais un outil de guérison, une façon de transmettre des histoires et de changer les points de vue en faisant avancer le savoir des peuples autochtones selon leurs propres conditions.

Deux photos montrant trois personnes sur un fond sombre ponctué de fleurs peintes dans des couleurs vives.
Joane Cardinal-Schubert, It Never Quits, 1990.
Photographe(s) : Brandon Clarida Image Services.

Madweyàshkà Comme une vague rassemble des œuvres d’art autochtones contemporaines des années 1970 à 2010 repoussant les frontières du temps, des lieux et des circonstances et examine la manière dont les galeries sont devenues des lieux de résistance.

En mettant les systèmes de croyances autochtones à l’avant-scène, on présente au public une perspective inclusive de l’histoire du Canada. Il existe un débat entourant les façons d’autochtoniser les espaces culturels. Telle que définie par Ruth B. Phillips dans Museum Pieces: Toward the Indigenization of Canadian Museums, l’autochtonisation consiste à incorporer dans la société dominante les concepts, protocoles et processus issus de sociétés autochtones.

La définition de « l’art » diffère grandement pour les peuples autochtones : on refuse de se conformer aux définitions occidentales, ce qui a en retour permis aux artistes d’éliminer la nécessité d’obtenir la reconnaissance et l’approbation du colonisateur. La vision coloniale traditionnelle ne mettait pas la production culturelle autochtone dans la même catégorie que la production euro-canadienne. Dans Madweyàshkà |Comme une vague, on présente l’évolution de la technique du collage dans l’art autochtone contemporain comme une humble rébellion contre ce système.

Le thème de la langue est également central dans les œuvres de l’exposition, qui évoquent non seulement l’interdiction de parler les langues autochtones dans les pensionnats, mais aussi la renaissance linguistique comme pilier de la résurgence culturelle et force qui ne cesse de croître. Ici, les langues constituent des histoires et des modes d’existence et de connaissance; l’utilisation de leurs mots est une autre manière d’affirmer l’existence autochtone.

En examinant ces œuvres ayant un lien avec le passé, le public est confronté à un art contemporain qui reflète de multiples vagues de résilience autochtone à travers des décennies ainsi qu’une résurgence culturelle ancrée dans des systèmes de savoir traditionnel.

Dans cette exposition, le public est témoin de la transmission des apprentissages à travers les générations par l’intermédiaire des œuvres d’artistes autochtones. À l’instar de la transmission du savoir traditionnel, ces artistes se sont influencés et inspirés mutuellement à leurs époques et dans leurs régions respectives, donnant de nouvelles voix aux images qui ont façonné leur réalité.

S’opposant aux préjugés occidentaux entourant la définition de « culture », ces artistes déstabilisent les structures hiérarchiques et coloniales au sein des institutions canadiennes. La seule présence d’artistes autochtones dans des lieux historiquement eurocentriques remet en question le statu quo occidental et amène le public à se poser la question : « Quelles voix entendons-nous quand nous mettons les pieds dans une galerie? »

« Faisant le pont entre le passé et le présent, cette collection d’œuvres met en scène des visions autochtones des expériences partagées des personnes autochtones au Canada. Le passé les façonne, et les traumatismes intergénérationnels influencent leur perception de soi et du monde qui les entoure. »

Il est impossible de séparer les deux mondes : les modes de connaissance occidentaux s’entremêlent aux modes autochtones en raison de siècles de cohabitation et de colonialisme. Or, l’histoire racontée ici est complexe et nuancée.

Réunissant des œuvres de Barry Ace, Carl Beam, Joane Cardinal-Schubert, Rosalie Favell, Greg A. Hill, Robert Houle, Nadia Myre, David Neel, Shelley Niro, Edward Poitras, Jane Ash Poitras, Michael Robinson et Jeff Thomas, Madweyàshkà | Comme une vague remet en question la vision occidentale et redéfinit la perception de ce que les artistes autochtones peuvent créer.