Perspectives d’avenir : Recherche sur la valeur du financement public des arts et des cultures autochtones
Juin 2023 – L’ancien directeur et chef de la direction du Conseil des arts Simon Brault et la directrice du programme Créer, connaître et partager Odile Joannette font part de leurs réflexions sur le travail effectué dans la foulée de la publication de la Recherche sur la valeur du financement public des arts et des cultures autochtones 2022.
Q : Simon et Odile, comment les résultats de la recherche de 2022 influencent-ils le Conseil des arts?
Simon : Je pense que la recherche a été transformatrice pour le Conseil. Elle nous a permis d’honorer des modes de savoir autochtones, d’entendre les voix des artistes, de reconnaître nos préjugés et de mieux comprendre ce qui fonctionne bien et ce qui doit être amélioré.
Les résultats de cette recherche confirment les retombées du programme Créer, connaître et partager, qui a marqué un changement dans notre façon de soutenir les artistes et organismes artistiques et littéraires autochtones. Depuis le lancement du programme, le Conseil des arts a triplé son soutien annuel aux arts et aux cultures autochtones, voire plus, ce qui constitue un énorme pas en avant. La recherche nous a également confirmé en quoi les efforts quotidiens du Conseil aident à faire avancer les choses et dans quels domaines nous pouvons aller encore plus loin, par exemple au moyen de différents modèles de co-livraison de notre aide financière.
Notre travail est bien sûr loin d’être terminé. La recherche nous montre comment améliorer l’accès à nos programmes. Cela doit s’inscrire dans la durée, car nous devons continuer d’apprendre, et faire des essais pour déterminer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui est prometteur à long terme.
Odile : Depuis plus de 20 ans, je participe à un large éventail de consultations et je contribue à toutes sortes de rapports. À mon avis, les résultats de cette recherche sortent du lot non seulement parce qu’ils réitèrent les demandes de longue date des Premières Nations, des Inuit et des Métis, mais aussi parce qu’ils témoignent d’une collaboration entre chercheuses et chercheurs autochtones et allochtones, et de différentes façons de mener de la recherche. Cela aide énormément à améliorer la compréhension.
Les résultats soulignent également la place importante qu’occupe l’art pour les peuples autochtones ainsi que les liens entre leurs expressions artistiques, et leur culture, leurs ancêtres, leurs communautés et la responsabilité des artistes à l’égard des prochaines générations. Je crois que tout cela aide le Conseil à promouvoir une définition élargie de l’art, de même que l’autodétermination autochtone.
De plus, les résultats démontrent clairement tous les efforts mis en œuvre par le Conseil et le fait que nous sommes sur la bonne voie.
Q : Comment le soutien aux expressions artistiques et culturelles autochtones a-t-il évolué au fil des années?
Simon : Je pense que l’évolution la plus importante a été l’approfondissement de notre compréhension du Canada et de ce qu’il devrait être, et la reconnaissance des nations autochtones. Au cours de mon mandat au Conseil des arts, nous avons déployé des efforts sincères pour rendre les programmes du Conseil plus accessibles et plus représentatifs des réalités et des perspectives autochtones.
Il y a eu des progrès incroyables au cours de la dernière décennie. On retrouve aujourd’hui des expressions autochtones fortes et diversifiées dans toutes les formes d’art et manifestations culturelles au Canada, des festivals au scènes des théâtres en passant par la musique, la littérature, l’opéra, les arts visuels, le cinéma, la danse ou l’architecture. Et il y a une reconnaissance et un appétit incroyables pour les créations autochtones, ici, mais également sur la scène internationale.
Les artistes autochtones n’ont jamais eu autant de travail et de reconnaissance et cela doit absolument continuer et s’amplifier. La créativité est une avenue de réconciliation magnifique, inspirante et courageuse.
Odile : Je suis arrivée au Conseil il y a deux ans et depuis, je suis frappée par le nombre croissant de projets autochtones qui sont financés dans le cadre de plusieurs programmes, ce qui montre bien toute la valeur qu’on leur accorde. Le programme Créer, connaître et partager compte maintenant pour 5 % de l’enveloppe de financement du Conseil, ce qui constitue un avancement important. Et c’est sans compter toutes les initiatives que le Conseil a soutenues à l’extérieur du programme.
J’ai également constaté qu’on va dans la bonne direction en soutenant les artistes autochtones au chapitre du mentorat, de la reconnaissance de la langue, du renforcement des capacités, de la reconnaissance des coûts de transport pour ceux qui vivent dans les régions rurales et du Nord, et de la mise à jour de critères de programmes dépassés et de vieilles notions de professionnalisme et d’« excellence ».
Cependant, comme le dit Simon, il faut en faire davantage pour faire connaître les programmes du Conseil et en faciliter l’accès, en particulier pour les candidates et les candidats qui disposent d’une connexion limitée à Internet ou qui préfèrent communiquer et échanger à l’oral.
Q : Vous avez déjà dit que les visions du monde des Autochtones et des allochtones peuvent s’allier pour créer un meilleur avenir commun. À quoi ressemble pour vous ce processus de « décolonisation » au Conseil des arts?
Simon : Le mot « décolonisation » est utilisé à toutes les sauces et il peut porter à confusion parce que certaines personnes peuvent lui attribuer des définitions particulières ou ne pas le comprendre du tout.
Ce qui est important pour le Conseil des arts, c’est de définir non pas un mot ou un processus linéaire, mais plutôt de codévelopper une vision à court et long terme de ce que le Conseil des arts et les communautés autochtones veulent faire pour soutenir l’expression artistique et culturelle autochtone.
Je suis d’avis que le pouvoir de l’art est immense et que dans nos efforts pour soutenir les artistes, il faut faire attention de ne pas retomber dans des habitudes, des notions ou des propos dépassés, et éviter de bureaucratiser le changement social. Pour moi, il est question avant tout de saluer et de soutenir le talent artistique, et de reconnaître que pour opérer des changements profonds, il faut d’abord changer le cœur des gens.
Ces choses prennent du temps, mais la joie peut toujours se tailler une place au cœur de nos efforts et de nos rencontres.
Odile : Je crois qu’il faut continuer d’essayer de comprendre les défis historiques et les obstacles majeurs que doivent affronter les communautés autochtones en matière d’éducation et d’isolement.
À l’avenir, nous devons suivre des principes directeurs clés, notamment décentraliser notre approche, améliorer notre compréhension de différentes régions et reconnaître les relations complexes entre toutes les cultures autochtones du Canada. Il faut également travailler davantage avec nos partenaires – les jeunes ainsi que les Aînées et Aînés qui comprennent les communautés et leurs priorités – et s’efforcer d’être plus agiles.
L’avenir des créatrices et des créateurs autochtones soulève beaucoup d’enthousiasme au sein du Conseil, et je pense qu’à mesure que les dirigeants au Canada continuent de s’engager en faveur de l’autodétermination, les expériences des futures générations d’artistes autochtones seront très différentes de celles de leurs prédécesseurs. Nous voulons que la prochaine génération d’artistes autochtones aspire à une carrière dans les arts.
Pour en savoir plus sur cette étude et sur les autres projets de recherche du Conseil, visiter la page Recherche du site web du Conseil des arts.