
Boca del Lupo :
marionnettes géantes, sourires de
mascottes et liens interculturels
Le Canada célèbre une année d’échanges culturels avec la République de Corée. Cette année, pour marquer le Mois du patrimoine asiatique, le Conseil est fier de braquer les projecteurs sur Boca del Lupo. Cette compagnie de théâtre canadienne fait partie d’une vague d’artistes et de travailleuses et travailleurs des arts qui tissent des liens solides avec des créatrices et créateurs de la Corée.
La codirectrice artistique de Boca del Lupo, Sherry Yoon, explique l’importance qu’elle accorde à la collaboration interculturelle en tant que Canadienne de première génération d’origine coréenne.
« Vous vous êtes déjà demandé ce que nous diraient un arbre, une baleine ou un oiseau géant s’ils pouvaient nous parler? Me And… imagine un monde où les créatures nous parlent et nous lancent un défi : ressentir à quel point nous sommes profondément interreliés et en prendre conscience », affirme Sherry Yoon, codirectrice artistique de la compagnie de théâtre Boca del Lupo, au sujet de la trilogie de spectacles de marionnettes géantes que la compagnie est en train de développer.
Boca del Lupo est un pilier de la scène artistique vancouvéroise. Depuis plus de 30 ans, la compagnie de créations théâtrales a pour mission de « créer et présenter des spectacles extraordinaires […] au cœur de la multiplicité des cultures canadiennes ». Cette année, avec le financement du Conseil des arts, la compagnie développe une trilogie de spectacles de marionnettes en collaboration avec des entreprises artistiques de la Corée du Sud.

En 2023, le Canada a célébré 60 ans de relations diplomatiques avec la République de Corée. Pour marquer l’occasion, le Conseil des arts du Canada a conclu un partenariat avec le Conseil des arts de Corée, Affaires mondiales Canada et Patrimoine canadien afin d’offrir deux ans de financement de démarrage dans le cadre du Fonds de co-création Canada-Corée. Ce financement visait à favoriser les collaborations artistiques entre le Canada et la Corée en appuyant des projets axés sur les liens artistiques et la cocréation. Le Fonds s’inscrivait dans une tendance grandissante qui a mené des cadres des deux pays à désigner 2024–2025 l’Année des échanges culturels Canada-Corée.
Puisque les artistes et les travailleuses et travailleurs culturels jouent un rôle essentiel dans la promotion des valeurs et des intérêts communs des deux pays, la célébration vise à mettre en lumière la mosaïque multiculturelle du Canada et la culture riche et vibrante de la Corée auprès de publics des deux pays et, par conséquent, de renforcer ces liens pour l’avenir.
De Séoul à Vancouver – aller-retour!
C’est précisément ce que Sherry Yoon et le théâtre Boca del Lupo entreprennent de faire. Ils ont uni leurs forces à celles de la troupe artistique créative ArtStageSAN de Corée pour élaborer une trilogie de spectacles de marionnettes de grande taille intitulés Me and the Forest, Me and the Water et Me and the Sky.
« Nous suivons des marionnettes géantes dans la forêt, en voyons une émerger de l’eau et une autre descendre du ciel. Chaque membre du public porte un casque d’écoute qui lui permet d’entendre ce que pensent les marionnettes, ce qu’elles ressentent, ce qu’elles voient et ce qu’elles sentent. Nous pouvons entendre et sentir leur cœur battre ainsi que leur souffle; nous ressentons leurs relations avec leur environnement », explique Mme Yoon.

Photo avec l’aimable autorisation de Boca del Lupo.
Elle indique que le soutien du Fonds a permis à la compagnie de visiter ArtStageSAN en Corée, d’élaborer le projet et d’approfondir leur relation de travail commune. Si Boca del Lupo a déjà collaboré à des projets internationaux, Sherry Yoon insiste sur le caractère extraordinaire de leur relation avec la compagnie coréenne : « Nous avons toujours voulu travailler en Asie et cette occasion de se rendre en Corée pour monter des projets créatifs sur des thèmes pertinents, urgents et d’actualité a une valeur inestimable. »
En tant que Canadienne née en Corée, Sherry Yoon affirme ne jamais avoir imaginé qu’elle retournerait dans son pays de naissance pour travailler professionnellement. Elle ajoute : « Trouver un projet où mon expérience vécue de Canadienne et de Coréenne constitue un tremplin à la création a été extrêmement satisfaisant. »
Des liens internationaux au service d’une créativité unique
Me And… n’est pas le seul projet mis sur pied par Boca del Lupo pendant l’Année des échanges culturels Canada-Corée. Behind the Smile est une collaboration distincte que Boca del Lupo a développée avec la compagnie de danse séoulienne Goblin Party après l’avoir rencontrée durant son voyage en Corée au printemps de 2023, le même voyage qui lui a permis de connaître ArtStageSAN.
Cette rencontre a donné lieu à une relation créative authentique entre Boca del Lupo et Goblin Party qui a évolué sur une période d’un an et a mené à Behind the Smile. Ce projet explore les paradoxes des mascottes en tant que symboles de joie et de célébration qui, ironiquement, subissent des agressions inattendues aux mains des assaillantes et assaillants les plus improbables, à savoir les enfants.
Sherry Yoon décrit ce projet comme suit : « Behind the Smile se penche sur notre relation aux mascottes, qui peut aller de l’adoration à une violence que nous nous sentons libres de commettre, souvent en tant qu’enfants, lorsque nous ne voyons pas le visage qui nous rend humains. [Ce projet porte aussi sur] ce qui nous libère et nous permet d’être quelqu’un d’autre quand les gens ne peuvent pas nous voir ni nous identifier. C’est un regard sur “l’autre” et la manière dont la société traite les gens derrière le sourire. »

Photo avec l’aimable autorisation de Boca del Lupo.
« [C]haque occasion crée une œuvre que ni une ni l’autre des compagnies n’aurait pu créer sans la contribution et la collaboration de l’autre. »
– Sherry Yoon, codirectrice artistique de Boca del Lupo
D’après Sherry Yoon, ni Behind the Smile ni Me And… n’aurait été possible sans leurs homologues de la Corée. « Je pense que les deux projets poussent notre compagnie et les compagnies coréennes non seulement à collaborer au-delà de nos cultures et de nos frontières, mais aussi à apporter à nos espaces créatifs communs ce que chaque artiste fait de mieux. Qu’il s’agisse d’intégrer des marionnettes à une expérience audio immersive adaptée au site ou de créer, par la danse-théâtre, un récit raconté par l’entremise de projections et d’images haute technologie d’une mascotte comme dans un stade, chaque occasion crée une œuvre que ni une ni l’autre des compagnies n’aurait pu créer sans la contribution et la collaboration de l’autre. »
Behind the Smile sera en tournée dès 2026, tandis que la trilogie Me And… se déploiera au cours des quatre prochaines années. Ces deux projets seront présentés en première au Canada et en Corée.
Avenirs interculturels
Alors que le Canada et la Corée célèbrent les 60 ans de leur amitié, Sherry mentionne à quel point les relations entre des artistes de différentes cultures peuvent être précieuses. Outre les collaborations de Boca del Lupo avec ArtStageSAN et Goblin Party, Sherry fait partie d’une cohorte formée par l’Association canadienne des organismes artistiques et le Conseil des arts afin de favoriser les collaborations entre les diffuseurs des arts de la scène et les artistes du Canada et de la Corée. Le projet d’une durée d’un an permet aux membres de la cohorte d’entrer en relation, en ligne et en personne, dans le cadre du Peformance Arts Market Seoul (PAMS), ce qui leur permet de tisser des liens et d’approfondir la compréhension entre les deux pays.
Selon Sherry, les personnes qui viennent du Canada nouent facilement des liens avec des gens de différentes cultures. Selon elle, l’une de la plus grande force des Canadiennes et des Canadiens découle de l’absence d’une monoculture au pays. Cela leur donne la capacité de se mettre à la place d’autrui et les aide à tisser des liens avec les autres, peu importe leur culture.

Photographe : Farah Nosh
« Bâtir des relations avec nos collaboratrices et collaborateurs de la Corée a été essentiel à nos processus créatifs, indique-t-elle. Pour moi, ce n’est qu’un début. En plus de ces deux nouvelles œuvres, chaque projet est susceptible d’attirer et d’intéresser un public mondial. Le succès de nos relations de travail peut ouvrir la voie à d’autres artistes afin qu’elles et ils trouvent des moyens de travailler ensemble. »
Que conseille-t-elle aux artistes qui voudraient travailler avec leurs homologues d’autres cultures? « Unissez-vous autour de vos points communs, mais servez-vous de vos différences pour créer quelque chose d’extraordinaire. Soyez patients et croyez en votre projet; vous faites quelque chose d’important. Créer de l’art dans une période difficile pour la planète est une entreprise qui en vaut la peine. Ne tenez rien pour acquis et profitez de chaque moment. »