À gauche, un groupe de danseuses et de danseurs lèvent les bras pour atteindre des débris de plastique qui flottent dans une pièce lumineuse, utilisant le mouvement pour symboliser l’impact de la pollution marine. À droite, une danseuse enveloppée d’un filet jaune et d’un matériau torsadé bouge expressivement.  Danseuse : Lisa Phinney Langley
2 octobre 2024
À gauche, des danseuses et des danseurs lèvent les bras pour atteindre des débris de plastique suspendus, soulignant l’impact émotionnel et physique de la pollution océanique grâce au mouvement. À droite, enveloppée d’un filet jaune vif et d’un matériau torsadé, la danseuse bouge expressivement et avec grâce, incarnant un mélange captivant de formes et de fluidité. Photos fournie avec l’aimable autorisation de Mocean Dance.
 

Danser avec les débris : Mocean Dance donne vie au combat de l’océan

2 octobre 2024

Sur une île lointaine où errent librement des chevaux sauvages et où le vent rugit au milieu de dunes sans fin se déroule une histoire tout à fait originale. Au-delà de la beauté romantique et indomptable de l’île de Sable, il y a un récit empreint d’urgence qui reflète les luttes discrètes de l’océan lui-même. C’est là, parmi le sable et la mer, que le Sable Ocean Dance Project est né. Cet équilibre délicat entre expression artistique et activisme environnemental est le fruit d’une collaboration entre Mocean Dance et le Sable Island Institute (SII).

Des esprits se rencontrent : la genèse du projet

Le Sable Ocean Dance Project a vu le jour grâce à un partenariat unique inspiré du spectacle sur l’île de Sable chorégraphié par Serge Bennathan et présenté par Mocean Dance en 2015. Zoe Lucas, une naturaliste et fondatrice du SII, a vu la prestation et imaginé un nouveau projet axé sur les débris marins et la pollution océanique. Touchée par le travail de Mocean Dance, Zoe Lucas a contacté la troupe pour lui demander de collaborer avec le SII, car elle croyait que la danse, avec son pouvoir émotionnel et viscéral, était la forme d’art idéale pour exprimer le poids de la pollution océanique et les luttes écologiques de l’île.

« La danse, relate-t-elle, était le moyen le plus viscéral d’exprimer l’urgence de la pollution océanique. » Mocean Dance avait abordé le sujet de l’île de Sable pour la première fois en 2015, explorant l’histoire et l’esprit de cette île. Cette fois-ci, l’histoire est plus sombre : c’est le récit inédit de débris de plastique qui font écho à une crise globale.

Pour Mocean Dance, ce projet était une occasion de retourner à l’île de Sable afin de l’explorer sous un autre angle. Si les gens sont nombreux à être captivés par les chevaux sauvages de l’île, ses épaves et sa beauté indomptable, ils sont rares à comprendre son rôle en tant que microcosme de la crise mondiale du plastique. « L’île de Sable est à la fois romantique et tragique », explique Mocean Dance.

« Elle est le reflet de la surconsommation du plastique à usage unique et de la façon dont nos déchets en sont venus à s’entremêler au monde naturel. C’est un petit espace mettant en lumière une histoire beaucoup plus vaste que nous ne pouvons plus ignorer. »

— Mocean Dance

Un groupe d’interprètes sont couchés en cercle, entourés de débris de plastique disposés au sol, symbolisant l’impact de la pollution marine.
Un groupe d’interprètes sont couchés en cercle, entourés de débris de plastique disposés au sol, symbolisant l’impact de la pollution marine.
Photo fournie avec l’aimable autorisation de Mocean Dance.

Donner vie au plastique : composer avec le deuil écologique

Le processus créatif qui façonne le Sable Ocean Dance Project est aussi multidimensionnel que le problème qu’il aborde. Dès les premières étapes du projet, Mocean Dance a rassemblé un groupe diversifié de collaboratrices et de collaborateurs pouvant l’aider à élaborer sa vision : danseuses et danseurs, artistes sonores, marionnettistes et écologistes micmacs. Cette approche collaborative a apporté une profondeur à leur exploration des débris marins, permettant à un éventail de perspectives d’influencer l’œuvre.

Naturellement, le poids émotionnel du sujet présentait ses propres défis. « On peut se sentir dépassé face à l’énormité de la crise, observe Mocean Dance. Nous ne sommes pas des spécialistes de la pollution marine, mais nous utilisons les arts afin de créer le cadre d’un dialogue et de vivre le deuil écologique ensemble. »

L’écologiste micmaque Anastasia Nevin, qui a relaté son expérience en tant que chercheuse sur l’île de Sable, est l’une des plus importantes influences du projet. Ses descriptions sensorielles de l’île — le sable se déplaçant au gré du vent, l’odeur de sel dans l’air et les cris des oiseaux marins — sont devenues des références émotionnelles pour la chorégraphie. Ces éléments viscéraux ancrent le mouvement, rattachant les danseuses et les danseurs à l’espace physique et aux débris qui le polluent.

Une autre révélation a donné forme au projet : les débris eux-mêmes devaient faire partie de la prestation. Mocean Dance a rapidement compris que le public devait pouvoir observer, toucher et manipuler les déchets rejetés par l’océan. Un environnement de salle de spectacle traditionnel ne ferait pas l’affaire.

« Nous ne voulions pas que le plastique soit une simple toile de fond, explique la troupe. Il devait être au cœur de l’expérience. Le public devait pouvoir le tenir dans ses mains, le sentir et y réfléchir. »

Image en noir et blanc de danseuses enveloppées de débris accrochés à un fil métallique.
Des danseuses enveloppées de débris accrochés à un fil métallique.
Photo fournie avec l’aimable autorisation de Mocean Dance.

Danser son deuil : une danse avec les débris

Les danseuses et les danseurs ont inventé une histoire pour chaque morceau de plastique, qu’il s’agisse d’un ballon d’anniversaire ou d’une pipe blanchie par le soleil. Ceux-ci ne sont pas que des objets perdus en mer; ils sont des symboles de moments heureux, comme des fêtes d’enfants, et des outils fonctionnels, transformés en polluants. La chorégraphie s’entremêle physiquement avec ces objets qui jadis avaient une raison d’être, mais qui contribuent maintenant à la souffrance de l’océan. Les danseuses et danseurs interprètent la chorégraphie au rythme du deuil écologique. Plus qu’une prestation, le projet devient un espace pour prendre la mesure de la situation extrêmement critique de l’océan.

« Nous ne sommes pas là pour régler le problème, disent-ils. Nous sommes là pour aider les gens à le ressentir et à accepter sa complexité. Par le mouvement, nous pouvons créer un espace pour ces émotions — le chagrin, la culpabilité, l’espoir — et c’est là que s’amorce le changement. »

Reconnaissant l’importance de la participation du public, Mocean Dance a soumis une demande au programme de subvention Rayonnement public du Conseil des arts. Ce financement leur a permis de créer l’œuvre, mais aussi d’inviter les publics à participer à chaque étape du processus.

« Nous voulions que le public se sente interpellé dès le début, et non seulement au moment de la prestation finale », affirme Mocean Dance. Ainsi, il a participé activement à l’œuvre, ce qui l’a encouragé à affronter la réalité des débris océaniques de façon personnelle et tactile.

Deux mains émergent d’un amas chaotique de débris de plastique, y compris des sacs et des bandes de plastique et divers matériaux colorés.
Une interprète de Mocean Dance emmêlée dans un amas de déchets au cours d’une représentation du Sable Ocean Dance Project.
Photo fournie avec l’aimable autorisation de Mocean Dance.

Un dialogue avec l’océan

Ce projet voit le jour à un moment crucial. Dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, le Sable Ocean Dance Project est un exemple de contribution des artistes aux efforts mondiaux pour « comprendre et combattre la pollution marine » et « changer la relation de l’humanité avec l’océan », deux des principaux défis définis par l’ONU. Ces objectifs mondiaux reflètent la mission que Mocean Dance et SII se sont donnée, à savoir susciter une conversation sur le plastique dans les océans et recadrer la façon dont les gens conçoivent leur rôle dans l’avenir de ceux-ci.

Dans le cadre de son travail sur l’île de Sable, Zoe Lucas réalise des audits des marques des débris qui échouent sur l’île et offre ainsi une réflexion bouleversante sur les liens étroits entre notre quotidien et l’océan. Chaque bouchon et chaque bout de plastique raconte une histoire de consommation par les humains. Par sa prestation, Mocean Dance invite les publics à jeter un nouveau regard sur ces objets rejetés et à les voir non seulement comme des déchets, mais comme les artéfacts d’un système brisé.

L’inclusion de connaissances et de perspectives micmaques tout au long du processus a été essentielle. « Les visions du monde autochtones nous rappellent que l’océan n’est pas une ressource à exploiter. Il fait partie de nous et nous devons le respecter et en prendre soin », explique Mocean Dance. En plaçant ses voix en son cœur, le projet vise à retisser les liens entre l’humanité et le monde naturel, nous offrant une façon de rebâtir une relation axée sur la bienveillance et la responsabilité.

Une lueur d’espoir dans les vagues : regarder vers l’avenir

Alors que l’équipe du Sable Ocean Danse Project se prépare pour la dernière phase de création en 2024, elle reste concentrée sur un objectif : inspirer l’action. Elle a déjà commencé à présenter le projet à des écoles locales en tant qu’outil de sensibilisation à l’environnement, invitant les élèves à interagir avec les débris de plastique et à réfléchir à leur rôle dans la conservation des océans. Dans les prestations à venir, la participation du public occupera une place encore plus importante puisqu’il sera appelé à faire face à la réalité de la pollution marine et à reconcevoir sa relation avec l’océan.

Tout a été mis en œuvre pour inclure le savoir micmac dans le processus créatif du Sable Ocean Danse Project et tirer profit de la sagesse des personnes qui reconnaissent depuis longtemps les droits inhérents de l’océan. Cette approche reflète l’esprit dans lequel la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) entreprend son projet L’océanographie communautaire au Canada, qui met l’accent sur l’inclusion des communautés côtières autochtones dans la recherche océanographique. Le projet de la CCUNESCO, appuyé par le programme-cadre pour le patrimoine culturel de l’ONU, explore l’importance d’intégrer des considérations liées au patrimoine culturel et à la sécurité alimentaire dans les efforts de recherche et de conservation. Cet engagement commun à tirer profit du savoir autochtone reflète une tendance plus vaste en faveur de la réciprocité et du respect pour l’océan dans le domaine de l’action environnementale.

Financé par le Conseil des arts du Canada, le Sable Ocean Danse Project ne vise pas à fournir des solutions faciles, mais plutôt à créer un espace pour la réflexion et l’imagination. « L’art a le pouvoir de changer les perspectives, affirme Mocean Dance. C’est une façon de rendre l’abstrait plus concret et de transformer les statistiques en récits qui trouvent un écho chez les gens. »

Ultimement, le Sable Ocean Danse Project est une danse avec l’océan lui-même, qui est vivant, puissant et régénérateur, mais profondément blessé. Par l’entremise du mouvement, Mocean Dance nous permet d’écouter l’appel de l’océan, de reconnaître les dommages que nous avons causés et de renouer avec la bienveillance et l’attachement.

Lien vers : Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (ccunesco.ca)