Joséphine Bacon et Françoise Baylis remportent les prix Molson 2023
Les gagnantes des prix Molson 2023 du Conseil des arts du Canada sont, dans la catégorie Arts, la poète Joséphine Bacon et, dans la catégorie Sciences sociales et humaines, la professeure et philosophe Françoise Baylis.
Chaque année, le Conseil décerne deux prix Molson de 50 000 $ à des figures canadiennes remarquables du domaine des sciences humaines et sociales et du domaine des arts. Financés grâce aux revenus d’une dotation de 1 M$ accordée au Conseil des arts du Canada par la Fondation Molson, ces prix encouragent les personnes primées à continuer de contribuer au patrimoine culturel et intellectuel du Canada. Le Conseil des arts administre ces prix en collaboration avec le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).
Nous avons demandé aux gagnantes de cette année de réfléchir à leur travail, aux succès de leur carrière, aux avantages de la prise de risques et à leurs ambitions.
Joséphine Bacon
En 2023, le Conseil des arts du Canada a remis un prix Molson à la poète Joséphine Bacon, pour son apport inestimable à la littérature.
Ma plus grande source de fierté, c’est de pouvoir dire les mots dans ma langue, l’innu-aimun.
Joséphine Bacon
Joséphine Bacon est une poète innue originaire de Pessamit née en 1947. Réalisatrice et parolière, elle est considérée comme une autrice phare du Québec et une grande ambassadrice de la culture des Premières Nations. Très engagée sur la scène littéraire et artistique autochtone, elle inspire aux jeunes générations la fierté d’être autochtone et la volonté de défendre leur langue et leur culture. Joséphine Bacon a publié quatre recueils de poésie chez Mémoire d’encrier : Bâtons à message · Tshissinuatshitakana (2009), Nous sommes tous des sauvages (2011, écrit en collaboration avec José Aquelin), Un thé dans la toundra · Nipishapui nete mushuat (2013) et Uiesh · Quelque part (2018). En coédition avec l’Institut Tshakapesh, elle a également publié l’anthologie Nin Auass · Moi l’enfant (2021, écrite en collaboration avec Laure Morali). Elle est lauréate de nombreux prix et distinctions.
Quelle est votre plus grande source de fierté dans votre carrière?
Ma plus grande source de fierté, c’est de pouvoir dire les mots dans ma langue, l’innu-aimun. D’être partie d’une tradition orale, d’écrire les mots dans ma langue et, par la suite, d’inspirer les autres à en faire autant : voilà ma plus grande source de fierté!
La prise de risque est aussi souvent associée au succès professionnel – avez-vous déjà pris des risques qui se sont révélés essentiels à votre réussite?
Mon plus grand risque, finalement, ça a été d’oser écrire dans ma langue pour que les Aîné∙es puissent me lire, et que les générations futures puissent retrouver leur histoire dans la poésie en innu-aimun, car c’est grâce à la langue qu’elles auront accès à leur histoire. La poésie que j’écris est intimement reliée à notre identité et à notre mémoire, et nos jambes avancent toujours. Faire de la langue innu-aimun non pas une langue assise, mais une langue qui avance, c’est ça le plus grand risque!
Quel est votre plus grand rêve?
Mon plus grand rêve, c’est de voir le bonheur de mes enfants et de mes petits-enfants. Avant de partir, quand je vais regarder mes enfants, je veux voir du bonheur et une grande paix intérieure chez eux. Que ça ne soit pas la peur qui les arrête.
Françoise Baylis
Le Conseil des arts du Canada a remis un prix Molson 2023 à Françoise Baylis, l’une des chercheuses les plus influentes du pays en philosophie et éthique des soins de santé, pour sa carrière remarquable.
Ce sont les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs et les boursières et boursiers de recherches postdoctorales avec qui j’ai eu la chance de travailler au fil des ans.
Francoise Baylis
Françoise Baylis, bioéthicienne, professeure et philosophe, est titulaire d’un doctorat en philosophie de l’Université Western Ontario. Elle siège actuellement à l’International Science Council et occupe un poste de professeure-chercheuse distinguée et émérite à l’Université Dalhousie. Elle est reconnue pour ses recherches en éthique des soins de santé, qui se situent au point de rencontre entre la politique et la pratique. Ses activités et son militantisme sont enracinés dans un engagement à sensibiliser les personnes qui sont en position de pouvoir. Elle a signé l’ouvrage Altered Inheritance: CRISPR and the Ethics of Human Genome Editing. En 2022 lui était remis le prix Killam, catégorie Sciences humaines.
Quelle est votre plus grande source de fierté dans votre carrière?
Ce sont les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs et les boursières et boursiers de recherches postdoctorales avec qui j’ai eu la chance de travailler au fil des ans. Ce sont des personnes intelligentes, accomplies et attentives qui font un travail important dans le monde du savoir, de la sensibilisation et du militantisme. J’espère avoir contribué à les inspirer à exploiter leurs talents pour rendre le monde meilleur, pour tout le monde. Je sais que ces personnes m’ont permis d’améliorer mon propre travail, de remettre en question mes idées, et de considérer de nouvelles manières d’interpréter des problèmes contemporains. Ensemble, nous avons abordé la production de savoir comme une entreprise collaborative.
La prise de risque est aussi souvent associée au succès professionnel – avez-vous déjà pris des risques qui se sont révélés essentiels à votre réussite?
Durant ma carrière, j’ai tenté de cerner et de corriger des situations injustes sur le plan moral. Il m’est arrivé de poser des actions qui étaient perçues comme étant « risquées ». Pour ma part, j’ai toujours considéré que ces actions, c’était « la bonne chose à faire ».
Je suis une Canadienne de première génération. Je suis métissée : mon père est Britannique, et ma mère est Barbadienne. Ma mère, Gloria Baylis (en anglais seulement), est la première personne à avoir remporté un procès pour discrimination raciale dans le domaine de l’emploi au Canada. J'ai l'air Blanche.
Mon premier employeur dans le milieu universitaire me demandait de remplir un rapport de rendement, qui comprenait des questions d’auto-identification. Ce questionnaire permettait de recueillir des données sur l’origine ethnique. Il y avait cinq catégories, et « Personne métissée » n’en faisait pas partie. La catégorie qui s’appliquait à moi était « Autre ». Nous remplissions ce questionnaire régulièrement, donc il m’est arrivé de le recevoir et que certaines réponses aient déjà été préremplies selon celles que j’avais fournies auparavant. On m’y identifiait comme étant caucasienne. Je m’y suis opposée.
À l’époque, j’étais professeure adjointe, et je n’avais aucune permanence. À l’encontre des conseils de mes collègues, qui avaient de bonnes intentions, j’ai remis en question cette pratique institutionnelle. C’était mon premier effort − d’une longue série échelonnée sur de nombreuses années − pour responsabiliser les universités face à des pratiques et des politiques dommageables et discriminatoires.
Quel est votre plus grand rêve?
Lorsque j’étais bien plus jeune, je voulais utiliser mes talents pour changer et améliorer le monde. Avec le temps, j’ai appris que, si j’ai l’imagination morale pour le faire, je n’ai pas le pouvoir politique d’instaurer le genre de changements qui sont selon moi nécessaires. Ce constat m’a menée, il y a des années, à adopter un objectif plus modeste, soit de sensibiliser les personnes qui sont en position de pouvoir. J’espère les inciter à utiliser leur pouvoir pour créer du changement. Mon mantra professionnel est teinté d’humilité, dans la mesure où je reconnais que nous sommes toutes et tous fragiles et faillibles.
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