Mise au point
Alors que l’actualité des dernières semaines a ramené à l’avant-plan le débat sur l’appropriation culturelle et sur la liberté de création et d’expression, le rôle du Conseil des arts du Canada dans l’attribution des subventions aux organismes et artistes a aussi été questionné publiquement, plus particulièrement en ce qui a trait au projet Kanata, à Ex Machina et à Robert Lepage. Bien que le Conseil ne commente pas publiquement les détails des demandes non retenues, dans ce contexte, nous estimons qu’il est pertinent de rappeler certains faits et leur chronologie.
Le programme ponctuel Nouveau chapitre a été lancé en mai 2016. Ce programme du Conseil soulignait le 150e anniversaire du Canada en consacrant à la création artistique près de 90 % des nouveaux fonds qu’il recevait à l’occasion de la première année du doublement progressif de son budget, qui se poursuit jusqu’en 2021.
Nouveau chapitre n’imposait aucun thème et était ouvert à toutes les disciplines artistiques et littéraires. Il invitait le milieu à présenter des projets de création ambitieux puisque la subvention maximale de 500 000 $ par projet était exceptionnelle. Le programme encourageait aussi les collaborations et alliances qui pouvaient faire avancer les pratiques artistiques et mener à un partage significatif de la création à l’échelle du pays et à l’international.
La demande a été phénoménale et malgré une enveloppe budgétaire sans précédent, 90 % des projets n’ont pas été retenus. En tout, 201 projets se sont partagé 35 millions de dollars alors que le Conseil avait reçu 2226 demandes pour des projets totalisant 441,5 millions de dollars.
Le projet Kanata d’Ex Machina, «une relecture de l’histoire du Canada à travers les relations entre les Blancs et les Autochtones», était déjà en développement en 2015. Le projet a été soumis au Conseil à l’occasion du programme Nouveau chapitre en 2016. La demande a été évaluée par un comité de pairs en vertu des critères d’évaluation du programme. À la suite de l’évaluation, la demande n’a pas été recommandée par le comité.
Ex Machina a par la suite demandé des explications. Dans sa rétroaction, le Conseil a souligné à la compagnie que le manque d’information dans l’énoncé du projet quant à la consultation des Autochtones ainsi qu’à leur intégration dans le processus de création avait été signalé par le comité de pairs.
Ce n’est que l’année suivante, à l’automne 2017, que le Conseil a publié L’énoncé du Conseil des arts du Canada sur l’appropriation culturelle. Cet énoncé ne prescrit aucune démarche spécifique, quota ou obligation, mais il invite les artistes et les organismes qui souhaitent le soutien du Conseil à faire preuve de respect et de considération véritables à l’égard des arts et des cultures autochtones dans leur démarche de création.
La question de l’appropriation culturelle autochtone ne fait pas partie des critères d’admissibilité ou de financement du Conseil, mais elle continue de faire l’objet de discussions dans les comités d’évaluation comme c’est le cas depuis de nombreuses années. Le Conseil laisse aux pairs le soin d’évaluer les mérites artistiques et la faisabilité des projets. Si la question de l’appropriation culturelle autochtone est soulevée, le comité de pairs peut alors se référer à cet énoncé pour éclairer ses délibérations.
Ex Machina reçoit des subventions de base du Conseil depuis plus de 20 ans. Ces subventions couvrent une vaste gamme de dépenses, dont le développement et la création de projets comme Kanata et SLĀV. Ex Machina a été très bien évaluée par un comité de pairs en 2017 et, comme indiqué dans les données proactives sur le site web du Conseil, la compagnie a reçu une subvention de base de 420 000 $ en plus d’autres subventions pour les déplacements, la circulation et la tournée.
Rappelons que le Conseil des arts est une société d’État qui élabore des politiques et des programmes et prend ses décisions de subvention libres de toute ingérence ou influence politique. L’évaluation par les pairs demeure, pour le Conseil, la meilleure façon d’identifier l’excellence et le mérite artistique. La liberté de pensée et la liberté d’expression profitent d’un processus décisionnel qui incorpore des expertises et connaissances professionnelles variées. Dans l’ensemble, les comités de pairs du Conseil reflètent la diversité de la population du Canada en veillant à la représentation des artistes autochtones et de diverses cultures, des artistes handicapés ou sourds, des artistes issus des communautés de langue officielle en situation minoritaire, et à la représentation régionale ainsi que veiller à l’équilibre entre les sexes, l’âge et les langues officielles. Ces comités évaluent l’ensemble des demandes de subventions en tenant compte des Principes de financement du Conseil.
Les arts suscitent parfois des débats de société. Le Conseil des arts suit activement les débats en cours en encourageant le dialogue et l’ouverture. En tant qu’organisme de financement public des arts, le Conseil va continuer à appuyer le dialogue respectueux entre artistes et entre membres des comités de pairs au sujet des préoccupations liées à l’appropriation culturelle autochtone. Le Conseil continue également à défendre la liberté d’expression en tant que pierre angulaire d’une société démocratique.
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Mireille Allaire
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