
À gauche, Ciel dans son studio à domicile, où elle développe son approche distinctive de la musique électronique par la composition, la mémoire diasporique et l’innovation. Photographe : Sofie Stenmark. À droite, Ciel en prestation au festival Dimensions, en Croatie, devant une foule d’admiratrices et admirateurs lors d’une prestation nocturne. Photographe : Pozitivan Ritam.
Le retour au bercail de Ciel : un premier album sur la diaspora et la découverte de soi
Fraîchement récompensée d’un prix JUNO pour son morceau Bamboo, l’artiste établie à Toronto, Ciel (Cindy Li), est saluée non seulement pour sa signature sonore, mais aussi pour la profondeur culturelle qu’elle y insuffle. Son premier album, Homesick — réalisé grâce à une subvention du Conseil des arts du Canada — est bien plus qu’une simple série de morceaux. C’est un mémoire sonore vibrant sur l’identité diasporique, conçu avec soin et intention. Façonné par l’isolement lié à la pandémie et la montée du racisme antichinois, Homesick témoigne de l’expérience de Ciel comme artiste d’origine chinoise vivant au Canada. En superposant ces expériences par le biais du son, elle crée un paysage immersif où mémoire, migration et quête de lien se rencontrent.
Du plan à la réalisation : une vision sonore accomplie
La reconnaissance de Bamboo comme morceau de l’année dans la catégorie Underground Dance aux prix JUNO — la plus importante célébration nationale de la musique au Canada — représente bien plus qu’une étape de carrière pour Ciel. Pour les artistes au Canada, un prix JUNO peut marquer un tournant décisif : ce prix augmente leur visibilité et ouvre la voie à de nouvelles occasions. Pour Ciel, cette reconnaissance a également validé la portée réfléchie de sa démarche artistique. Premier titre composé pour Homesick, Bamboo s’est imposé avec une certaine évidence, sa simplicité même contribuant à son impact.
Appuyée par une subvention de la composante Du concept à la réalisation, Ciel a construit Homesick de A à Z en respectant fidèlement la vision présentée dans sa demande. « J’ai vraiment fait tout ce que j’avais dit que je ferais, partage-t-elle. Ça m’a donné confiance : savoir que je peux poser une idée sur papier et la concrétiser. » Ce processus a marqué un véritable tournant, lui permettant de diriger, de gérer et de réaliser un projet personnel d’envergure. La subvention lui a donné les moyens de collaborer avec des instrumentistes, d’acquérir du matériel et de composer une musique nourrie à la fois de mémoire ancestrale et d’innovation artistique.

« J’ai vraiment fait tout ce que j’avais dit que je ferais. »
— Ciel
Ancré dans son parcours diasporique, Homesick constitue à la fois un retour sur soi et une réponse artistique à un moment culturel douloureux. En pleine période de recrudescence des préjugés antichinois, la musique transforme l’éloignement, la tension et le décalage culturel en quelque chose de méditatif et marquant – un hommage au patrimoine, repensé par le son. Inspiré par les traditions, mais ancré dans la contemporanéité, l’album déploie un langage musical hybride entre house, breaks, électro et downtempo.

Composer avec soi : des sons ancestraux dans un monde moderne

l’album, inspirés de la classification traditionnelle des instruments chinois.
Photo avec l’aimable autorisation de la Ciel.
Les instruments traditionnels chinois ne sont pas de simples ajouts à Homesick : ils en forment la langue. Ils permettent à Ciel d’articuler une relation renouvelée avec son héritage. « Homesick n’existerait pas sans cet élément d’instrumentation chinoise », explique-t-elle. Les neuf morceaux de l’album correspondent chacun à une catégorie instrumentale distincte : huit d’entre eux s’inspirent de la classification traditionnelle des instruments chinois — la soie, le bambou, le bois, la pierre, le métal, l’argile, la calebasse et la peau — tandis qu’un neuvième, Breath, est centré sur les voix évocatrices de l’opéra chinois, une forme musicale et culturelle encore profondément ancrée dans l’identité du pays. Grâce à la subvention reçue, elle a fait appel à des musiciennes et musiciens pour jouer du guzheng et du xiao, et a appris à jouer elle-même de petites percussions comme le kuaiban et le muyu.
Pour Ciel, l’échantillonnage n’est pas qu’une technique : c’est une méthode de composition, de rétablissement de liens et de réappropriation. L’immersion dans les sonorités chinoises traditionnelles a enrichi son langage artistique, ajoutant des textures et des significations nouvelles. « Je me sens plus chinoise aujourd’hui qu’en 2020, réfléchit-elle. Et je ne pense pas m’arrêter de puiser dans mes racines. »
Trouver sa voie avec Homesick : un album qui renforce le sentiment d’appartenance
Homesick n’est pas seulement un premier album : c’est un accomplissement. « Je n’avais jamais pensé être capable d’en faire un », dit Ciel. Le projet a rétabli sa confiance créative et clarifié sa démarche. Il lui a permis de transformer la honte culturelle et la distance affective en quelque chose de réparateur. « Lorsqu’on est une personne issue de la diaspora, on porte beaucoup de poids symbolique dans ce qu’on fait », confie-t-elle. Ce poids a façonné le cœur émotionnel de l’album, qui touche bien des genres et des identités.
Si le prix JUNO a été un jalon important, les retombées considérables de Homesick résident dans ce qu’il offre aux personnes en quête de repères culturels. « Il n’est pas nécessaire de rejeter d’où l’on vient pour appartenir à un tout, dit-elle. Même si vous êtes encore en train de découvrir tout cela, commencez la conversation : animez, soyez DJ, créez – et votre communauté viendra ».

L’album Homesick de Ciel a été réalisé grâce à une subvention de la composante Du concept à la réalisation. Cette composante du programme Explorer et créer soutient le cycle de création complet — de la formulation de l’idée jusqu’à la présentation de l’œuvre d’art, à n’importe quelle étape du processus créatif. Les artistes, les groupes et les organismes artistiques du Canada peuvent soumettre une demande de financement pour un projet destiné à une présentation. La subvention apporte un soutien à la recherche, à la création, au développement, aux reprises, ainsi qu’à la production, à la postproduction et à la présentation d’une œuvre.

Photo avec l’aimable autorisation de la Ciel.