Pamela Ritchie

Pamela Ritchie : en coulisse 
avec vue effectivement très rapprochée

15 février 2017

Le Conseil des arts du Canada a collaboré, pour la 5e année de suite, avec des cinéastes indépendants, en partenariat avec l’Independent Media Arts Alliance, afin de produire le portrait vidéo des personnes qui ont remporté les prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.

Une fois de plus, les résultats sont révélateurs, souvent inspirants, toujours inventifs. Nous avons invité certains des cinéastes à relater leur expérience par écrit.

Lorsqu’il s’agit de désigner une prise de vue si proche que vous pouvez pratiquement compter les poils du sujet, les cinématographes de la BBC utilisent l’acronyme ECUI (Extremely Close Up Indeed), qui signifie « vue effectivement très rapprochée ». Voilà précisément la perspective que la joaillère Pamela Ritchie a adoptée pendant presque trente ans, au cours d’une carrière qui scintille de multiples traditions, styles et matériaux.

Mais bien que cela ait signifié tourner autour de son établi pendant des heures, voire des jours à la fois, à verser la plus infime quantité d’argent, ou de polymère de pointe, elle ne se concentrait pas uniquement sur l’aspect physique. Elle accorde autant, sinon plus, d’importance aux connotations, aux significations, aux résonances. Ces petites pièces découlent de grandes idées.

La joaillerie, selon elle, est fortement liée au corps. « Les bijoux ne demandent qu’à être tenus, touchés et portés. Mais… le lien avec l’esprit peut être encore plus fort. » Les pièces de madame Ritchie, d’inspirations aussi variées que le filigrane traditionnel norvégien ou le tourbillon effréné des atomes dans un collisionneur de hadrons, posent des questions comme : « D’où vient la matière? Qu’est-ce qui rend une chose précieuse? »

Pamela Ritchie : en coulisse avec vue effectivement très rapprochée

Elle cite le philosophe français Gaston Bachelard : « les idées aussi larges que des rêves peuvent être résumées dans quelque chose de tout petit et délicat ». Je lui ai dit que moi aussi j’ai gravité autour du « miniature » au cinéma : la stratégie poétique de l’univers dans un grain de sable visant à emprunter une voie étroite et profonde, peut-être même avec un seul objet. « I turn my candle down and down... until it explodes » (j’éteins graduellement ma chandelle… jusqu’à ce qu’elle explose), écrivait Hemingway.

Et puis, comme s’il devait tout d’un coup rendre service, le chalumeau de madame Ritchie émet un craquement cosmique et lance une flamme arc-en-ciel. Le son est merveilleux et fait sursauter. Son époux, Steven Naylor, distingué compositeur et ingénieur de son qui a gentiment accepté de créer la musique pour la vidéo, l’emporte en ville. Il se délecte des minuscules rayures que produit son outil à souder, des cliques de sa souris Bluetooth.

Pendant ce temps, je fais un gros plan sur l’univers de son établi : deux ou trois paires de fines pinces, un bocal de pinces très incisives et, tout près, une loupe binoculaire d’aspect extraterrestre, des lunettes faites de verre grossissant.

Mais nous avons un problème. Il n’y a pratiquement aucune pièce de madame Ritchie à capter pour la vidéo. Toutes ses œuvres sont dans une galerie de Montréal pour une grande exposition qui aura lieu au printemps. Nous allons devoir nous fier à des copies numériques, des simulacres, le voile de Véronique représentant les véritables œuvres.

En fin de compte, grâce à l’immobilité de simples photos, le résultat s’est avéré tout à fait acceptable. Nous rendons l’arrière-plan noir ou blanc, créons des ombres portées sur un coup de tête. Il semble que la virtualité n’a rien de grave. Et j’apprends que madame Ritchie était habituée depuis longtemps à la conception et à la fabrication par ordinateur (CAO et FAO) et à l’impression 3D de son œuvre.

Pourtant, je prends comme une surprise joliment humaine et incarnée le fait qu’en examinant de très près l’une de ses plus récentes créations, je découvre, égaré et enchevêtré dans le filigrane, un cheveu argenté et brillant.

Note : Pamela Ritchie est lauréate du prix Saidye Bronfman 2017 pour l’excellence dans les métiers d’art. Allez au site Web pour découvrir les personnes qui l’ont remporté auparavant.

Auteur :

Tim Wilson est un auteur, un producteur, un animateur et un réalisateur primé à la radio, à la télévision, au cinéma et dans les médias sociaux. Il vit à Bear River, en Nouvelle-Écosse, et crée des documentaires qui sont diffusés à la radio, à la télévision et sur Internet et sont présentés dans  les salles de cinéma. Il en produit aussi pour répondre à des commandes privées.

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