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Déterminés à augmenter l’impact des arts sur la société

17 janvier 2017
Discours Simon Brault
Assemblée publique annuelle 17 janvier 2017

Wow ! Bravo et mille mercis à vous trois pour cette performance extraordinaire! Et un immense merci à Cris d’être venue accompagnée d’artistes aussi talentueux.

Je suis certain que ta présence parmi nous va continuer de nous inspirer. En effet, sans probablement le savoir, tu nous as beaucoup accompagnés au cours de la dernière année.

Par exemple, il y a plusieurs mois déjà, quand l’équipe qui travaillait sur notre rapport annuel m’a proposé qu’on fasse la couverture avec la fameuse photo où tu te tiens debout sur un sol enneigé, devant un mur de graffitis, la main appuyée sur ton étui de violoncelle couvert de « stickers », je n’ai pu résister. J’ai lancé un oui enthousiaste parce que ta musique et ton parcours font tellement écho à plusieurs des aspirations et constats qui nous inspirent en ce moment au Conseil :

  • l’effacement des frontières entre les disciplines artistiques;
  • la volonté d’inviter l’art au cœur du processus historique de vérité et réconciliation;
  • un parti-pris assumé pour la diversité dans toutes ses dimensions; et,
  • par-dessus tout, une quête urgente, incessante, originale et personnelle d’excellence, une quête qui interpelle ton public qui ne cesse de s’agrandir ici et un peu partout sur cette planète que tu sillonnes continuellement.

En septembre dernier j’ai aussi eu la chance de partager la même scène que toi lors du Prismatic Festival à Halifax, où j’ai exposé, pour la première fois, les plans détaillés (et chiffrés) du Conseil pour investir encore davantage dans la création et le partage de l’art autochtone, dans la diversité, dans l’émergence, et dans la relève.

Ce soir-là, ta performance répondait à mon discours, elle lui donnait vie.

Aujourd’hui, malgré ton horaire chargé, tu nous as fait l’honneur d’insuffler un supplément d’âme et de vitalité dans cette assemblée annuelle qui marque, d’une certaine façon, le coup d’envoi de l’année du 60e anniversaire du Conseil des arts du Canada. Cet anniversaire, nous voulons le célébrer à la frontière d’un passé dont nous sommes immensément fiers et que nous honorons, et d’un avenir que nous envisageons avec impatience et dont nous devons être pleinement responsables.

J’aime répéter ces mots d’Albert Camus : la meilleure façon de préparer l’avenir, c’est de tout donner au présent.

Tout donner au présent pour préparer l’avenir, c’est exactement ce que nous avons fait dans la dernière année. Et, ce dont je vais parler aujourd’hui appartient à chacune et chacun des employés du Conseil qui ont conjugué avec succès leurs expertises, leurs perspectives, leurs intelligences et leurs efforts pour définir le nouveau modèle de financement qui sera en place au printemps et qui nous permettra de procéder à un réinvestissement historique et durable dans la création, l’enracinement, le partage et le rayonnement de l’art et de la littérature au Canada et sur la scène internationale.

Retour sur 2016

En fait, on peut aujourd’hui affirmer que le Conseil n’est plus ce qu’il était et qu’il demeurera toujours ce pour quoi il a été créé, ce pour quoi il est devenu, au cours des six dernières décennies, aussi indispensable que respecté.

Je m’explique.

Une chose ne change pas : notre mandat de soutenir et de promouvoir les arts. Ce qui change cependant, c’est la mise en œuvre de ce mandat dans une société en profonde mutation. Pour rester pertinent, il faut être capable de se transformer, de persévérer et de garder le cap quand il le faut.

L’année 2016 a marqué le tournant décisif de la transformation annoncée au début de mon mandat. Nous nous sommes dotés d’un plan stratégique ambitieux et pragmatique; nous avons parachevé les 6 programmes de notre nouveau modèle de financement et nous avons lancé le portail qui permettra d’interagir simplement avec le Conseil. Comme promis, le portail est ouvert depuis le 1er décembre dernier, et nous comptons déjà presque 7000 inscriptions.

Les chiffres frappent toujours l’imaginaire, car ils nous donnent une indication de l’échelle à laquelle les choses se font. La réponse a non seulement été forte et positive pour le lancement du portail, elle l’a aussi été tout au long de l’année pour chacune de nos initiatives.

Le Conseil a le vent dans les voiles. On le sent, on nous le dit, on le vit au quotidien.

Évidemment, l’annonce du doublement progressif de notre budget sur cinq ans, à l’occasion du budget fédéral de mars dernier, a précipité les choses pour nous, tant à l’interne que sur le plan du rayonnement national et international du Conseil.

Avec la publication de notre nouveau plan stratégique en avril et le design de notre modèle de financement déjà avancé, nous étions déjà en mesure de planifier l’investissement de ces fonds additionnels pour atteindre des objectifs structurants et mesurables pour l’avenir du secteur des arts et au bénéfice des Canadiens.

J’aimerais que l’on jette un coup d’œil à la répartition de ces investissements.

Nous sommes évidemment impatients de voir comment la communauté artistique va saisir cette occasion sans précédent et assez unique à l’échelle mondiale en ce moment.

2017 : le début d’un nouveau chapitre

En fait, nous avons déjà eu un avant-goût des ambitions et du dynamisme de la communauté artistique avec le programme Nouveau chapitre créé à l’occasion du 150e anniversaire de la Confédération.

Comme vous le savez, il a fallu faire très vite pour concevoir ce programme, car le budget fédéral était à la fin de mars, et nous voulions investir la première tranche des nouveaux fonds dès l’année financière 16-17.

Nous avons donc décidé de créer un programme ad hoc qui ne financerait que des projets artistiques de nature exceptionnelle – à la fois pour les concepteurs et le public. Ainsi, dès le 1er avril 2017, les fonds consacrés à ce programme ad hoc redeviennent disponibles pour que le Conseil puisse commencer à investir d’une façon permanente par l’entremise de ses 6 nouveaux programmes et du Fonds stratégique pour les arts à l’ère numérique.

La réponse de la communauté à Nouveau chapitre a été tout simplement extraordinaire! Nous avons été soufflés!

L’ensemble des projets se chiffre à plus de 440 millions de dollars! Pour vous donner une idée de ce que ça représente : c’est plus que la somme de tous les projets subventionnés par le Conseil au cours des 8 dernières années!

Nous avons reçu 2 225 demandes, dont 552 lors du premier concours auquel nous avons attribué environ 25 % du budget de subvention 33,4 millions dont nous disposons.

52 projets recevront des subventions variant de 50K à 375K comme suite aux évaluations par les comités de pairs.

Cela signifie aussi que le pourcentage de réussite est d’à peine 10 %, ce qui est beaucoup plus bas qu’à l’habitude. Nous estimons que cette situation est exceptionnelle, puisque notre enveloppe budgétaire augmentera progressivement jusqu’à son doublement au cours des 4 prochaines années et que le nombre de demandes sera aussi réparti dans le temps.

On devrait beaucoup entendre parler de Nouveau chapitre alors que les projets soutenus prendront forme. En effet, le Conseil collaborera étroitement avec les artistes et organismes sélectionnés pour partager avec nos concitoyens leurs avancées à chaque étape des processus de création.

Nous n’avons d’ailleurs pas pu résister à l’idée de contacter quelques-uns des premiers bénéficiaires et de partager avec vous leurs réactions. Comme il s’agit de réactions prises sur le vif, nous n’avons pas eu le temps de traduire, mais il y en a en français et en anglais.

Comme vous, j’ai vraiment hâte de voir ces projets se déployer à l’échelle du pays et à l’international.

Dans environ 3 mois, nous annoncerons les résultats de la deuxième et dernière compétition de Nouveau chapitre.

Définitivement demain

Dans cette discussion sur l’avenir, j’aimerais vous parler de l’un des 4 grands engagements de notre plan stratégique, soit le numérique.

Comme vous l’avez vu dans la vidéo, le Conseil a annoncé son intention d’investir 88,5 M $ directement dans le secteur des arts en 5 ans pour augmenter significativement la portée, le partage et le rayonnement de la création artistique grâce au numérique.

Le numérique continue d’occuper l’avant-scène au Canada et partout dans le monde. Ici, les consultations sur le contenu canadien dans un monde numérique, menées par la ministre Mélanie Joly, ont fait grand bruit et suscitent des espoirs, des débats et d’immenses attentes.

Évidemment, tout en préservant son indépendance, le Conseil s’assurera d’agir en complémentarité et en synergie optimales avec Patrimoine canadien et les autres instances fédérales, provinciales ou locales qui interviennent dans les champs du numérique dans le cadre de stratégies économiques ou industrielles, de plans ciblés, d’initiatives liées aux villes intelligentes ou d’initiatives régionales. Nous tiendrons aussi compte des disparités d’échelles et des inégalités de ressources qui existent au Canada.

Le Conseil reconnait que le secteur des arts au Canada n’a pas fait l’objet d’investissements spécifiques, significatifs et soutenus pour faciliter son adaptation et sa transition numérique.

Il y a urgence d’agir pour que l’art ne soit pas noyé dans un torrent d’informations et de contenus culturels efficacement formatés. On le répète souvent : depuis 2010, l’humanité produit autant d’information en deux jours qu’elle ne l’a fait depuis l’invention de l’écriture il y a 5300 ans.

Il y a urgence d’agir pour que l’art et les organismes artistiques soient encore capables d’avoir accès à ce bien si précieux qui ne cesse de prendre de la valeur à l’ère numérique : l’attention et l’engagement des publics.

Urgence parce qu’on assiste à une désorganisation des modèles de financement des industries culturelles, à la paupérisation accrue des créateurs, à la marginalisation sinon à l’élimination croissante des intermédiaires, et à une exacerbation de la compétition pour capter des publics dont les habitudes de consommation culturelle dictent l’offre des contenus présentés.

Au même moment, on assiste à des percées qui permettent à des artistes et à des créations artistiques et littéraires de joindre des publics autrefois hors de portée et de bâtir des communautés d’engagement qui vont de l’extrême proximité jusqu’à l’internationalisation totale.

Tant par ses promesses fabuleuses de communication et de partage, qu’à cause des désillusions que suscitent les géants qui cherchent à le contrôler, le numérique fascine et inquiète. Il remet tout en question.

Le numérique modifie et remodèle nos habitudes de vie, de travail, de création, de consommation; d’interaction sociales et humaines; d’accès à l’information; de diffusion; d’éducation; et partage de la valeur.

Ce qui ressort toutefois des sondages et des études que nous avons consultés ou commandés, c’est que le secteur des arts au Canada peine à réclamer sa place dans la société numérique faute de connaissances, d’expertises, de ressources et, parfois aussi, faute de transformation suffisante de ses modèles organisationnels et de ses façons de faire.

Notre approche du numérique visera donc à

  • à soutenir les professionnels des arts afin qu’ils puissent mieux comprendre les défis, les enjeux et les opportunités de la société numérique, développer et enrichir une pensée numérique stratégique et accroître leur capacité de la traduire en actions utiles et efficaces ;
  • à augmenter le partage de la création artistique et littéraire et l’accès aux œuvres, à rehausser la qualité de l’expérience artistique des usagers et à élargir la participation et l’engagement culturel des citoyens canadiens ; et
  • à soutenir la transformation des organisations artistiques et de leur modus operandi pour leur permettre de mieux faire face aux défis et saisir les occasions de développement et d’amplification qu’offre le numérique.

Mais avant de commencer à financer des projets concrets qui devront avoir des retombées importantes pour un secteur, une région ou des réseaux d’organismes - ce qui devrait être le cas dès l’automne prochain- nous tenons à valider une dernière fois nos hypothèses, calibrer nos projections et peaufiner les détails du Fonds stratégique sur les arts à l’ère numérique.

Nous ne voulons pas rater la cible.

Ainsi, nous tiendrons, en mars prochain, un sommet national sur les arts à l’ère numérique. Et, pensée numérique oblige, ce sommet sera tout sauf conventionnel.

En fait, ce sera un grand atelier de travail qui réunira plus de 250 personnes choisies et invitées par le Conseil (comme on a l’habitude de le faire pour les comités de pairs) pour représenter la pluralité des disciplines et pratiques artistiques, la variété des modèles et des échelles organisationnels, la diversité et la répartition régionale du milieu. Au moins le quart de ces participants seront des natifs du numérique.

Nous inviterons aussi des penseurs du numérique et des experts des technologies numériques pour contribuer à divers ateliers et pour développer des pistes d’approches concrètes et des projets innovants qui pourraient être soutenus par notre Fonds pour les arts à l’ère numérique.

Évidemment, nous diffuserons et partagerons sur le web l’essentiel des travaux de ce sommet, en direct et en différé, afin que le plus grand nombre puisse en profiter.

Par ailleurs, nous planifions une tournée du pays à l’automne 2017 pour expliquer les tenants et aboutissants du Fonds pour les arts à l’ère numérique et susciter des projets.

Évidemment, le Conseil doit lui-même prêcher par l’exemple. Aussi nous voulons poursuivre notre propre transformation en pratiquant les 5 caractéristiques fondamentales de la culture numérique que sont : l’ouverture et le partage ; le fait d’être centré sur les besoins et l’expérience des utilisateurs (citoyens) ; la cocréation ; la simplicité ; et l’agilité.

La culture numérique procède par essais (idéalement à échelle réduite) et accepte que les erreurs repérées par les utilisateurs suscitent des actions de rétroaction et de correction faisant partie intégrante du processus continu de design.

La culture numérique est d’abord une affaire de transformation des relations entre les êtres humains et, ensuite, une question de choix technologiques. C’est aussi une culture d’acceptation du risque, des erreurs et des imperfections qui sont inévitables dans tout processus itératif.

Le Conseil s’engage donc à accompagner le secteur et il s’engage aussi à continuer d’apprendre, d’expérimenter, d’innover, de s’ajuster et de grandir AVEC le secteur et en constante interaction avec les citoyens. Le numérique est un défi qui nous unit. Les avancées et les succès ne sont possibles que dans un esprit de coopération et de leadership partagé.

C’est cet esprit de leadership partagé qui nous anime en ce début de 60e anniversaire.

La suite des choses s’annonce passionnante.

Merci.

Portrait - Simon Brault 2014
Simon Brault, O.C., O.Q.

Directeur et chef de la direction

Simon Brault est directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada. Auteur du Facteur C : l’avenir passe par la culture, un essai sur l’avancement des arts et de la culture dans l’arène publique, il a participé activement à d’importantes initiatives, notamment à l’Agenda 21C de la culture au Québec. Instigateur des Journées de la culture, il a aussi été membre fondateur de Culture Montréal et, de 2002 à 2014, président élu de l’organisme. En 2015, l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec lui remettait le prestigieux prix Hommage pour avoir réussi « à réunir deux univers que tout opposait auparavant, les arts et le milieu des affaires, une union des plus profitables pour l’ensemble de la société ». Suivez Simon Brault sur Twitter : @simon_brault

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