La main d'une personne tenant une lentille de caméra au-dessus d'un lac de montagne

Financer les arts à l’ère numérique :
une approche canadienne

30 novembre 2017
Photo : Paul Skorupskas, Unsplash

Discours de Simon Brault
Table ronde internationale de Hong Kong sur le leadership en matière d’arts
29 novembre 2017

Merci,

Je suis heureux d’être ici avec vous et de faire partie de ce prestigieux panel.

Ma dernière présence ici remonte à février 2016. J’avais trouvé profondément inspirant et gratifiant de rencontrer d’autres bailleurs de fonds de cette région et de discuter avec eux. Je suis très reconnaissant d’avoir pu revenir pour continuer notre conversation.

Image tirée du film Creation and Sacrifice réalisé par Kyoka Tsakamoto. Entre documentaire et fiction, le film, qui raconte les retrouvailles de la cinéaste montréalaise (originaire du Japon) avec sa sœur, a reçu l’appui du Conseil des arts grâce au programme Nouveau chapitre.

L’image que vous voyez ici figurait sur le rapport annuel 2016-2017 du Conseil des arts du Canada. Il s’agit d’une photo tirée d’un film réalisé par Kyoka Tskamoto qui décrit le parcours qu’elle a suivi pour reprendre contact avec sa sœur au Japon. Ce film témoigne des liens culturels profonds que les artistes canadiens entretiennent avec les gens de toute la région Asie-Pacifique.

Le désir d’échanger entre nos deux pays est très fort. Nous partageons les mêmes défis et les mêmes espoirs pour l’avenir des arts dans notre société de plus en plus mondialisée.

C’est pourquoi le Conseil des arts du Canada s’est donné comme priorité d’en faire plus pour soutenir les projets et les initiatives qui créent des liens entre les artistes et les organismes artistiques du Canada et de la région Asie-Pacifique.

Lors de ma dernière visite ici, j’ai mentionné quelques initiatives emballantes que le Conseil appuyait, y compris la présence d’auteurs canadiens au Bookworm International Literary Festival, à Pékin.

Nous venons de conclure un nouveau partenariat stimulant avec le Korea Arts Management Service pour le programme d’échange entre la Corée et le Canada.

Sans parler de toute la série de tournées très médiatisées qui ont eu lieu dans la région et que le Conseil a soutenues au cours de la dernière année. Je vais vous montrer d’autres exemples de ce travail tout au long de mon exposé.

L’engagement du Conseil des arts à renforcer les possibilités d’échange et de réciprocité dans cette région fait partie d’un engagement plus large qui consiste à rehausser la présence de l’art du Canada sur les principaux marchés du monde.

Nous appuyons cet engagement en doublant l’investissement consacré aux voyages, aux échanges, aux coproductions et aux partenariats internationaux jusqu’en 2021.

Et il va sans dire qu’en cette ère numérique où tout est ultra-connecté, il serait impossible d’étendre notre rayonnement mondial sans nous attacher à la question très réelle de la technologie. Et c’est, bien sûr, cette même question que nous abordons aujourd’hui.

Et c’est pourquoi nous avons fait du numérique l’un de nos engagements clés. Au printemps dernier, nous avons organisé un sommet pour réunir des chefs de file dans le monde des arts et du numérique, en vue d’accélérer les choses et de créer un élan en faveur d’une conversation que nous voulons favoriser par un fonds numérique spécial.

Par ce fonds, nous allons investir 88,5 millions de dollars sur quatre ans afin d’encourager les artistes et les organismes artistiques à collaborer avec des spécialistes du numérique. Non pas précisément pour créer de l’art numérique, mais pour mettre au point des stratégies d’adaptation à la réalité numérique; quel que soit leur point de départ.

Nous venons de recevoir la première série de demandes. Il est donc trop tôt pour faire connaître les résultats, mais je peux vous dire que nous avons reçu quelque 350 propositions d’artistes et d’organismes d’un peu partout au pays, dans tous les champs de pratique.

Et pourquoi est-il si important que les artistes se mettent au numérique et le maîtrisent?

Évidemment, dans un sens, c’est une question de durabilité du secteur.

Mais je dirais que c’est aussi à propos de la durabilité d’une société fondamentalement humaine.

La technologie numérique permet d’innover radicalement et provoque des perturbations. Comme le note l’auteur et philosophe Éric Sadin, « la perturbation est moins une intention qu’une conséquence ».

L’innovation perturbatrice mène à des marchés nouveaux et radicalement différents qui apportent aux consommateurs de plus grands bienfaits à un moindre coût.

Nous avons tendance à penser que l’innovation perturbatrice découle de la nouvelle technologie. Mais, en réalité, elle repose souvent sur des technologies éprouvées qui existent déjà.

Prenez simplement l’exemple de Netflix. Il a eu des effets énormes au Canada, tant sur le film que sur la télévision, mais aussi sur les habitudes de visionnement des Canadiens.

Mais Netflix n’est essentiellement qu’un nouveau moyen d’offrir du contenu que d’autres ont déjà créé. Et une autre innovation perturbatrice finira inévitablement par prendre sa place.

De toute évidence, le secteur des arts possède une capacité de création énorme et illimitée. Mais nous ne devons pas confondre création et innovation. Notre secteur a besoin des deux à l’heure actuelle.

Le milieu des arts doit maintenant augmenter sa capacité et sa volonté d’innover.

Il doit faire en sorte que ses sources précieuses et profondes d’imagination et de créativité changent radicalement l’expérience des citoyens afin de leur offrir des bienfaits accrus.

Afin que cela se produise, nous devons sortir de notre zone de confort. Renforcer ce qui nous définit. Mieux nous faire valoir. Faire connaître la valeur de notre travail.

Et surtout, mieux susciter l’engagement du public envers notre travail.

Parce que les enjeux sont grands; ce n’est pas seulement une question de durabilité pour le secteur des arts.

Il s’agit de créer un moyen progressif, éthique et humaniste de penser numériquement.

Le poète italien Cesare Pavase a écrit : « l’art prouve que la vie ne suffit pas ». Mais je suis convaincu qu’au fil du temps, et à mesure que la technologie contrôlera nos vies, au point de nous en éloigner, l’art prouvera que la technologie ne suffit pas.

Les technologies numériques nous touchent au plus profond de notre identité, et les répercussions se font sentir partout dans le monde. C’est certainement le cas des médias sociaux, par exemple.

Que l’ère numérique où nous vivons nous trouble, nous fascine, nous perturbe, nous exclut, nous rallie, nous inspire, nous appauvrisse, nous déçoive ou nous galvanise, elle nous touche tous. Dans tous les secteurs de la société, dans tous les aspects de la vie humaine et dans tous les pays.

Dans notre nouvelle civilisation mondialisée, le numérique offre une occasion de renforcer le lien entre les artistes et la société.

Il peut promouvoir le rôle et l’importance des arts pour le dialogue interculturel, mais aussi le développement inclusif et durable et, en fin de compte, l’égalité et la démocratie.

S’il y a un mot pour décrire le travail à l’ère numérique, c’est bien itératif.

Nous demandons aux artistes et aux organismes que nous finançons de se sentir à l’aise d’adopter une approche itérative. D’être prêts à progresser, à prendre des risques, à s’adapter au besoin et à continuer de s’améliorer et d’innover au fur et à mesure.

Et nous, en tant que chefs de file des arts, bailleurs de fonds pour les arts, nous devons faire de même

Plus que jamais, nous devons nous montrer flexibles, ouverts à la collaboration et à l’échange, et prêts à rectifier le tir et à saisir les occasions qui se présentent.

Je suis impatient de converser avec vous aujourd’hui et de trouver des moyens par lesquels nous pourrons progresser ensemble.

Je suis heureux de discuter de l’approche du Conseil avec vous tous. Et je veux aussi apprendre de vos expériences.

Afin que nous puissions trouver ensemble des moyens communs de soutenir les arts afin qu’ils jouent pleinement leur rôle. Un rôle dans l’humanisation de la société numérique et mondialisée où nous vivons. Et finalement, en façonnant un avenir meilleur pour nous tous.

Portrait - Simon Brault 2014
Simon Brault, O.C., O.Q.

Directeur et chef de la direction

Simon Brault est directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada. Auteur du Facteur C : l’avenir passe par la culture, un essai sur l’avancement des arts et de la culture dans l’arène publique, il a participé activement à d’importantes initiatives, notamment à l’Agenda 21C de la culture au Québec. Instigateur des Journées de la culture, il a aussi été membre fondateur de Culture Montréal et, de 2002 à 2014, président élu de l’organisme. En 2015, l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec lui remettait le prestigieux prix Hommage pour avoir réussi « à réunir deux univers que tout opposait auparavant, les arts et le milieu des affaires, une union des plus profitables pour l’ensemble de la société ». Suivez Simon Brault sur Twitter : @simon_brault

Mots-clés Discours Numérique