
L’art, le Canada et le monde
Sommet « L’art pour la nation » Canada 150
Musée des beaux-arts du Canada
Le 13 juin à 10 h 45
Bonjour,
C’est un immense plaisir de partager ce moment avec vous et un grand honneur de le vivre entouré de si talentueux artistes.
L’année dernière à la même époque, Barack Obama se trouvait à Ottawa pour sa dernière visite officielle en sa qualité de président. J’ai eu le rare privilège de l’entendre discourir devant la Chambre des communes. Ce jour-là, il a prononcé des paroles demeurées célèbres : « Le monde a besoin de plus de Canada ».
La semaine dernière, pour sa première visite à Montréal, l’ex-président a déclaré que l’attrait de l’isolationnisme et du populisme était compréhensible, car en période d’incertitude, les gens recherchent la sécurité et la stabilité. Mais, il a aussi ajouté que le monde ne pouvait pas rester les bras croisés et qu’il devait être plus solidaire pour opérer les changements indispensables requis afin de faire face aux défis planétaires actuels.
Dans ce contexte, le Canada revendique clairement un rôle de chef de file sur le plan des valeurs et de la culture. Et qui d’autres que les artistes ont ce pouvoir unique d’exprimer l’indicible, de critiquer ce qui doit l’être et surtout d’inspirer aussi profondément leurs contemporains?
Lors d’une entrevue que j’accordais récemment au magazine ExportWise, je parlais des retombées économiques et autres, des arts et de la culture dans le contexte des échanges entre les pays. J’y parlais non seulement de ce qui a trait directement à l’exportation de la culture, mais plus précisément de l’« effet de halo » de la culture pour la promotion et le développement de notre influence. En favorisant les échanges et la réciprocité à plus grande échelle dans de nombreux domaines de développement, les arts et la culture créent cet effet de halo.
À titre de directeur et chef de la direction de l’organisme public de soutien aux arts du Canada, je comprends très bien que le Conseil des arts a la responsabilité de maximiser les retombées de ses investissements pour les Canadiennes et Canadiens. En fait, c’est ce qui a entraîné la transformation qui s’opère au Conseil, visant à accroître l’impact des arts.
Toutefois, je tiens à préciser que, lorsque j’évoque l’impact social des arts, je ne souhaite pas l’instrumentalisation des arts, ni de la transmission grossière d’un message d’État par les arts. En fait, je crois que la diplomatie publique a plus besoin des arts que les arts n’ont besoin de la diplomatie publique.
Il s’agit ici de reconnaître que les arts sont toujours issus de la créativité humaine. Ils sont une traduction de l’imaginaire et des préoccupations des individus et leur pouvoir de transformation est essentiel à notre progrès comme civilisation.
La création artistique fait écho aux valeurs de notre pays, notamment la liberté d’expression, la démocratie culturelle et les différents enjeux qui préoccupent les Canadiennes et Canadiens et la société à l’échelle du monde.
La création artistique fait écho aux valeurs de notre pays, notamment la liberté d’expression, la démocratie culturelle et les différents enjeux qui préoccupent les Canadiennes et Canadiens et la société à l’échelle du monde.
Le leadership culturel dans le cadre du 150e anniversaire
La réponse du secteur artistique à l’occasion du 150e anniversaire de la Confédération en est une parfaite illustration. Les artistes ne considèrent pas ce jubilé comme un simple jalon patriotique. Ils profitent de l’occasion qui leur est donnée pour réfléchir sur notre histoire et ses tourments afin de proposer une voie plus prometteuse pour l’avenir.
L’exposition « Paysage marqué » de la Banque d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada, présentement au Musée d’art des Amériques de Washington, est un exemple concret et récent du pouvoir d’anticipation des arts, et dans ce cas, du discours proposé par un commissaire d’art contemporain.
Cette exposition n’est pas la carte postale idéale du Canada, loin de là. Les œuvres retenues et leur contextualisation par le commissaire évoquent les façons dont notre pays a fait face aux ravages du colonialisme, à la violence sexuelle, aux dommages environnementaux, au terrorisme et à l’exclusion. Des échanges que j’ai eus lors de son inauguration, je retiens que les diplomates, les politiciens et les représentants de la société civile originaires des 35 pays participants ont apprécié le point de vue adopté parce qu’ils nous renvoient toutes et tous à nos contradictions dans la lutte en faveur des droits humains et de la démocratie.
Cette réflexion rigoureuse est que jamais nécessaire pour éclairer les débats mondiaux sur les défis actuels. Je fais entièrement confiance au travail des artistes pour éclairer et façonner ces échanges. Par exemple Edward Burtynsky, dont les œuvres nous forcent à observer les répercussions de nos modes de vie sur l’environnement. Ou Geoffrey Farmer, dont les œuvres les plus récentes mettent en lumière des tragédies personnelles et font écho à nos interrogations sur les identités et la réconciliation.
C’est pourquoi le Conseil des arts du Canada s’est engagé à stimuler davantage la présence internationale des artistes canadiens. Nous avons appuyé cet engagement en doublant nos investissements à l’international d’ici 2021. Nous souhaitons aussi maximiser notre impact au moyen de partenariats avec d’autres organisations comme c’est le cas avec le Musée des beaux-arts pour la Biennale de Venise.
Ce printemps, j’ai eu l’occasion de discuter du développement des arts à l’occasion d’événements internationaux hautement médiatisés. J’ai notamment représenté le Canada en tant qu’expert culturel lors du tout premier G7 de la Culture à Florence.
Pendant cet événement, il m’est apparu que la réputation et l’influence actuelles du Canada à l’échelle internationale relèvent moins de la taille de notre économie que de nos choix de société sur les plans de l’ouverture, de l’inclusion et de la diversité.
À titre de dirigeant du Conseil des arts du Canada, j’ai pu aborder sans détour des enjeux complexes et parfois difficiles. En traitant du leadership partagé dans la défense du patrimoine artistique et culturel mondial, de la pertinence accrue de la création artistique au cœur de la révolution numérique, des conséquences néfastes des crispations et replis identitaires qui minent certaines des plus grandes démocraties du monde, de notre propre défi de décolonisation et de réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones et du besoin pressant de refondation des politiques culturelles, j’aurai eu la chance d’ouvrir des espaces de dialogues et de bâtir des ponts avec les autres experts et avec des membres de l’auditoire qui remplissait à capacité le grand Salone dei Cinquecento.
Il est impératif que le Canada maintienne son rôle de chef de file. Pour pleinement remplir son rôle, notre pays doit assurer un leadership à tous les échelons et dans tous les secteurs. Plus que jamais, le Canada doit être une voix forte et crédible sur la scène mondiale. Nous devons continuer à soutenir les artistes pour qu’ils puissent mieux explorer, développer, exprimer et partager le génie de leur créativité pour faire entendre cette voix.